Dans cette deuxième partie, on essayera de démontrer que dans d’autres pays épargnés par les révoltes et les révolutions (Algérie & Maroc), les médias, bien qu’ils aient gagné en professionnalisme, buttent toujours à des lignes rouges.
En Algérie, la presse a profité, par ricochet du Printemps arabe et d’importantes concessions arrachées à un Bouteflika soucieux d’absorber l’ire des Algériens, pour gagner en professionnalisme.
Mohamed Reda Mezoui, universitaire algérien, se référant à une étude d’évaluation de la scène médiatique algérienne, a relevé un bond «quantitatif», en nombre de journaux et de radios, ainsi qu’une augmentation sensible du tirage, mais sur le plan qualitatif, les choses n’ont pas suivi cette progression, selon lui.
M. Mezoui, qui s’exprimait lors d’un colloque sur le rapport médias-pouvoirs au Maghreb, organisé par la fondation allemande Hans Seidel, a déclaré avoir observé auprès des journalistes algériens un certain «manque de tact» et une «absence d’honnêteté intellectuelle», lesquelles tares, a-t-il-dit, n’aident pas les responsables critiqués à s’améliorer.
Il a annoncé qu’une enquête sur les médias est actuellement en cours de réalisation et indiqué qu’elle ne manquera pas de donner de plus amples éclairages sur la situation des médias en Algérie.
Globalement, la presse algérienne a bénéficié, de manière significative, du vent de liberté qui a soufflé sur la région. Des sujets sensibles sont abordés par la presse publique et privée. Au nombre de ceux-ci, figurent en bonne place l’armée et son immixtion dans la vie politique.
Selon Jamil Haidar, représentant de la fondation Hans Seidel au Maghreb, en Algérie, la presse écrite est «plus professionnelle», et peut jouer son rôle de contrepouvoir.
Les participants se sont efforcés à donner des réponses souvent théoriques à des problèmes concrets. Ce qui a fait dire à Jamil Haidar que, finalement, l’objet du colloque est de poser la problématique des rapports entre les médias et le pouvoir dans les pays du Maghreb. Donner des réponses en cette conjoncture de mutations n’est pas aisé, a-t-il dit, soulignant que la situation dans les pays de la région est loin d’être identique.
Au Maroc, la presse, forte de la stabilité qui prévaut dans le pays, a beaucoup gagné en maturité et a profité à son tour des nombreuses réformes de tendance libérale engagées par le Roi Mohamed VI pour dissuader toute contagion du Printemps arabe. Des sites d’information comme Lakome, Goud, Mamfakinch et autres sites se distinguent par leur témérité et par l’évocation de sujets osés.
Les tabous demeurent
Par delà ces quelques éclairages sur l’ampleur des libertés dont bénéficient les médias dans la zone du Maghreb, beaucoup de thèmes restent tabous.
En Tunisie, des questions comme les actes de violence impliquant la police ou l’armée sont encore quasi-taboues. En novembre 2011, le blogueur Nabil Hajlaoui a écopé de deux mois de prison pour avoir publié un article impliquant des militaires dans des émeutes à Sidi Bouzid (centre de Tunisie).
En Libye, les journaux ne peuvent parler de sujets comme “la prolifération des armes, la fuite des fonds publics, les diktats de certains pays qui ont participé au renversement du régime de Kadhafi.
En Algérie, les journalistes n’ont pas encore osé demander aux militaires de rendre compte de leurs agissements.
Au Maroc, la presse ne peut pas dépasser la ligne rouge de parler en toute liberté du Roi.
C’est dire, in fine, que certes d’importantes avancées ont été réalisées sur la voie de la presse, mais cette liberté demeure encore fragile en ce sens où la tentation de la museler par de nouveaux ministères de l’Information est toujours possible pour peu que la contestation s’atténue dans les rues.
Donc, les journalistes et autres professionnels de l’information savent maintenant qu’ils doivent redoubler de vigilance… La marche pour arriver à une presse totalement indépendante et livre sera extrêmement longue, voire périlleuse.