Tunisie – Politique – Economie – Société : Deux épreuves et un constat d’échec de la Troika


troika-11062012-art.jpgEn
l’espace d’une quinzaine de jours, la Troïka au pouvoir a passé deux moments
difficiles. Le premier a consisté en sa soumission à l’examen périodique
universel (EPU). Ce mécanisme relevant du Conseil des
droits de l’homme de
l’ONU, fournit à chaque Etat, tous les quatre ans, l’opportunité de présenter, à
la communauté internationale, les mesures qu’il a prises pour améliorer la
situation des droits de l’Homme sur son territoire et remplir ses obligations en
la matière.

La seconde épreuve a été le traditionnel rapport que l’Union européenne vient de
publier et dans lequel le principal partenaire de la Tunisie a développé sa
vision du Plan d’action de politique de voisinage qui va encadrer, durant les
prochaines années, les relations entre les deux parties. Zoom sur deux épreuves.

Interpellé, par Radio Express Fm, sur la première épreuve, en l’occurrence l’EPU,
Abdelwahab Héni, chercheur et expert en droits de l’Homme basé en Suisse, a
indiqué que, dans l’ensemble, la communauté internationale a accordé un préjugé
favorable à la Tunisie et estimé que la note qui lui sera attribuée serait en
principe de l’ordre de 14/20 contre 7/20 pour l’Etat de Bahreïn, par exemple.

Il a ajouté que parmi les questions les plus gênantes qui ont été posées à la
délégation tunisienne ont porté sur la liberté de presse
et sur la non
application des décrets-lois 115 et 116 et sur les libertés individuelles,
particulièrement sur la liberté de la femme et de la parité homme- femme.

Au rayon des recommandations, M. Héni a déclaré qu’en attendant l’adoption du
rapport sur la Tunisie, au mois de septembre prochain, les représentants de la
communauté internationale ont insisté sur l’enjeu de garantir dans la prochaine
Constitution toutes les libertés dont devront jouir tous les Tunisiens sans
distinction aucune.

Vient ensuite le rapport conjoint élaboré par la Commission européenne et la
Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la Politique de
sécurité. Dans son préambule, le rapport relève sans trop l’expliquer que «la
révolution qu’a connue la Tunisie en janvier 2011 a introduit des perspectives
radicalement différentes dans les relations avec l’Union européenne».

Le rapport énumère plusieurs insuffisances dont la Troïka assume totalement la
responsabilité, particulièrement sa tendance à traîner du pied avant de
promulguer les textes consacrant l’indépendance de la justice, la dynamisation
de l’Instance supérieure indépendante pour les élections
(ISIE) et la liberté de
presse, d’impression et d’édition.

A propos des médias, l’UE estime que «l’appartenance d’une majorité des médias
tunisiens à des actionnaires proches de l’ancien régime et le maintien de la
plupart des anciens responsables des médias à leurs fonctions représentent
autant d’obstacles potentiels à l’exercice effectif de la liberté
d’information».

Et pour ne rien oublier, l’UE déplore l’iniquité fiscale et les
dysfonctionnements en vigueur. «L’arbitraire de l’administration fiscale, lit-on
dans le rapport, a porté atteinte à la perception publique de la légitimité de
l’impôt. Ceci s’est traduit, après la révolution, par une chute des rentrées
fiscales».

Sur la base du rapport de cette année et en vue de l’adoption d’un nouveau Plan
d’action en 2012, la Tunisie est invitée, selon l’UE, à entreprendre plusieurs
actions. Il s’agit, entre autres, d’adopter une nouvelle loi électorale, de
hâter la création de «l’Instance Publique indépendante», chargée de la gestion
et de l’organisation des élections, de mettre en oeuvre les réformes
législatives et organisationnelles nécessaires à la consolidation de la
démocratie (indépendance de la justice, reforme du secteur de la sécurité,
indépendance des médias…), renforcer le rôle de la société civile, comme
partenaire essentiel du processus de démocratisation, et préparer la Tunisie à
l’intégration au Marché unique européen, notamment dans le cadre des
négociations en vue de la conclusion de la
Zone de Libre-Echange Approfondie et
Complète (ZLEAC), signer et ratifier la Convention régionale sur les règles
d’origine préférentielles pan-euro-méditerranéennes.

Par delà ces conclusions, les deux épreuves, tout comme celle de la dégradation
récente du rating souverain du pays, insistent sur le mauvais rendement du
gouvernement et surtout sur ses tergiversations quant à la consécration des
objectifs de la révolution, ceux-là mêmes qui consistent en la propension des
Tunisiens à la liberté, à la dignité, à l’équité des chances et à la justice.

Jusque-là, hélas, nous sommes loin du compte. L’agence de notation Standard and
Poor’s ne cache nullement son pessimisme lorsque dans son commentaire de la
dégradation de la notation souveraine écrit: «Malgré une phase de stabilité et
de consensus, depuis le départ du président Ben Ali en janvier 2011, nous
pensons que les incertitudes vont persister quant à la politique menée à moyen
terme».

C’est pour dire au final qu’il existe, quelque part, un consensus international
quant au mauvais rendement de la Troïka.