L’opposition, on n’arrête pas de le répéter, est incapable de se positionner et de faire des propositions. On lui reproche son manque d’efficacité et même son incompétence. Il est certain qu’il y a du vrai dans ce qu’on lui reproche. Nous lui reprochons son manque de perspicacité quand elle est dans la proposition et même sa faiblesse dans le discernement des priorités.
Bref, une opposition estimée incapable et approximative juste bonne pour les débats des campus universitaires. Ceci rappelle d’ailleurs à nos esprits la rareté des événements politiques à l’échelle universitaire lors de cette année qui touche à sa fin. Hormis peut-être les élections de l’UGET et malheureusement le carnaval salafiste rétrograde qui a animé la vie publique pendant des semaines. A croire que la levée des restrictions imposées par la police universitaire en d’autre temps a contribué au gel des volontés et des idées.
Nous l’avons compris. L’opposition est en deçà de ce qu’elle doit être. Mais qu’en est-il des élus au pouvoir? A chaque fois qu’ils prennent la parole en public, la discussion est bizarrement orientée vers les insuffisances de l’opposition. Dès que l’on s’approche de la situation sur la scène politique et socioéconomique, une seule réponse: «les choses vont de mieux en mieux, la situation s’améliore, l’économie redémarre, le tourisme repart, etc.». Suffit-il de le dire pour que ce soit vrai? Ce genre de réponses est ressenti comme une insulte à l’intelligence du Tunisien lambda. Aller jusqu’à qualifier certains ministres sans expérience et avec la seule légitimité des urnes pour les postes qu’ils occupent d’«homme d’Etat» est purement et simplement un mépris pour le bon sens humain.
A chaque fois que nous assistons à un débat entre un responsable au pouvoir et un membre de l’opposition, c’est une descente aux enfers de l’ignorance et de l’inexpérience de la chose politique. Le niveau des débats, hormis quelques unes assez rares, est indigne de la Tunisie qui a consacré 1/3 de son budget à l’éducation dès son indépendance. Nous sommes en manque d’humilité et de modestie et la non reconnaissance de l’incapacité d’un gouvernement parachuté directement aux affaires du pays est la preuve d’un aveuglément dont la Tunisie risque de payer le prix.
Le choix des urnes ne peut en aucun cas justifier les limites intellectuelles et les incompétences managériales. S’il ne s’agit que de cela, mettons-nous à mettre n’importe qui, n’importe où, ce qui est d’ailleurs en train de se passer aujourd’hui. Ainsi, le Conseiller politique du ministre de l’Enseignement supérieur -à se demander pourquoi, il en a besoin- a fait de la mécanique et son chef de Cabinet est un jeunot qui ne maîtrise pas les rouages de l’Administration publique et qui se prend pour Dieu le père alors que le ministère croule sous ses compétences. Nous parlons bien du ministère de l’Enseignement supérieur. Les postes gouvernementaux ont été distribués comme des butins de guerre (ghanaim) pour récompenser les plus méritants dans les partis vainqueurs sans prendre en compte les intérêts du pays. C’est ce qui explique cette cacophonie «étatique ou gouvernementale» (kol tir yghanni wahdou…)
L’opposition de gauche risque d’être la réplique de ce qu’est le gouvernement d’aujourd’hui si elle venait à prendre le pouvoir. Car depuis les années 70, son discours n’a pas évolué. Elle n’a pas compris qu’elle n’a pas de place dans une Tunisie résolument ouverte mais profondément et culturellement conservatrice. Non, ni l’un ni l’autre ne sont capables de faire des promesses et de les tenir. Les uns autant que les autres sont dans la recherche de compensation, pécuniaire dans le cas des islamistes, non avouées encore pour les autres.
L’argumentaire le plus avancé par les deux camps et qui revient dans tout débat est celui de l’emprisonnement. Un argumentaire aussi peu crédible que ceux qui le brandissent est peu convaincant. Nombre parmi ces partis politiques, anciens, sont l’émanation d’un seul pouvoir dont l’historique est fait de corruption, de malversation et autres agissements mafieux. Ils sont l’autre face de ce qu’était le RCD même s’ils refusent de le reconnaître.
Il est grand temps aujourd’hui de changer l’échiquier politique. Nous ne pouvons plus continuer à maquiller la vérité et à la soumettre à des agendas servant les mêmes formations politiques, lesquelles, à un moment ou un autre, ont pactisé avec l’ancien régime.
Les formations politiques qui partent de l’acquis accumulé depuis plus de quatre-vingt-cinq ans, matérialisé par une connaissance profonde du terrain et une expertise minutieuse des besoins des régions les plus retranchées du pays, auront un réel avenir politique et présenteront sans l’ombre d’un doute les bonnes solutions à notre pays. Elles seront loin de ces utopies islamistes et autres gauchistes démocrates autoproclamées ayant vécu pendant des décennies dans l’ombre d’un régime hégémonique et totalitaire qu’elles n’ont pas pu déstabiliser réellement.
Ces formations politiques devraient introduire dans leurs équipes des compétences au fait des priorités et des besoins existants dans toutes les régions du pays. Ce seraient-elles les instruments de la transition, le relais qui prendra le flambeau de chez les bâtisseurs et consolidera les acquis tout en corrigeant les insuffisances. La Tunisie a aujourd’hui besoin de consolidateurs.
Cette progéniture formée de compétences est issue de la politique clairvoyante de leurs prédécesseurs, basée sur l’éducation émancipatrice de toutes les franges de la société. Politique qui a fait ses preuves dans notre pays dont la solution clé reste une politique sociale forte et garante d’une économie d’ouverture. Ce n’est qu’à ces conditions que nous pouvons nous inscrire dans la proposition et prétendre œuvrer pour la libération de notre pays de l’immobilisme dans lequel il se fourvoie.
A ce stade, un appel est lancé à toutes les compétences qui se sentent ou se revendiquent de la lignée politique des consolidateurs à se joindre au processus d’unification des rangs afin de constituer, enfin, l’alternative tant attendue et souhaitée pour le salut de notre pays.