Quelle viabilité économique pour le projet de Scop des ex-SeaFrance ?

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Un ferry de SeaFrance dans le port de Calais en janvier 2012 (Photo : Philippe Huguen)

[12/06/2012 16:56:19] LILLE (AFP) De nombreuses questions demeurent sur la viabilité et la mise en service du projet de coopérative ouvrière (Scop) des anciens marins de SeaFrance, après l’attribution lundi pour 65 millions d’euros de l’ensemble des actifs de la compagnie maritime liquidée en janvier à la société Eurotunnel.

– Quand les bateaux SeaFrance vont-ils naviguer à nouveau sur le détroit du Pas-de-Calais ?

Le Berlioz et le Rodin, deux des trois navires acquis par Eurotunnel et qui seront loués à la Scop, doivent subir une révision annuelle complète qui peut prendre un mois à un mois et demi, selon le PDG d’Eurotunnel, Jacques Gounon.

Les porteurs de la Scop avaient évoqué une remise en service “en juillet”, mais compte tenu des différents reports de la décision concernant l’attribution des actifs, Eurotunnel table désormais sur un retour sur le détroit du Pas-de-Calais “début août”, tout en disant “tout faire pour les mettre en service dès la fin juillet”.

Le troisième navire, le Nord/Pas-de-Calais, sera en arrêt technique complet durant l’été pour une mise en service à la rentrée.

Le Berlioz et le Rodin effectueront quatre rotations complètes par jour, le Nord/Pas-de-Calais trois, a indiqué à l’AFP le président du directoire de la Scop Jean-Michel Giguet.

– Quel recrutement ?

La nouvelle compagnie embauchera les personnels ex-SeaFrance en priorité, même si elle pourrait avoir recours à un recrutement extérieur.

“Progressif”, le recrutement verra d’abord l’embauche de 250 à 260 marins cet été, avec l’objectif à l’horizon 2013 d’employer “environ 520 salariés en France, ainsi que 70 à 75 en Angleterre”, à la fois navigants et personnels sédentaires, selon M. Giguet.

– Les actions pénales en cours peuvent-elles nuire à la Scop ?

Le mandataire judiciaire Stéphane Gorrias s’est inquiété lundi de la structure “incertaine” de la Scop, “compte tenu des actions pénales en cours” contre plusieurs anciens salariés de SeaFrance.

Treize d’entre eux ont été mis en examen dans une affaire de fraudes présumées sur des ventes d’alcool et de nourriture à bord des ferries.

Pour le PDG d’Eurotunnel, “c’est un problème individuel qui concerne les treize mis en examen” et non “les 500 personnes qui veulent travailler”.

– La liaison Calais-Douvres est-elle saturée ?

Depuis la liquidation judiciaire de SeaFrance le 9 janvier, le consortium LD/DFDS, également candidat à la reprise des navires de l’ex-compagnie maritime, a mis en service deux navires sur la liaison Calais-Douvres, alors que la compagnie britannique P&O renforçait sa flotte.

“Il y a une vive concurrence” sur le détroit, ce qui est “stimulant”, a déclaré à l’AFP Jacques Gounon, estimant qu'”il y a de la place pour trois opérateurs”.

Eurotunnel vise 9% de parts de marché pour être viable – alors que SeaFrance réalisait 18% avec le double de navires – et se donne “18 à 24 mois pour y arriver” car “on ne peut pas retrouver dès le lendemain matin de la remise en service des navires des clients partis il y a six mois”, a précisé M. Gounon.

– Eurotunnel est-il menacé par des plaintes pour abus de position dominante?

P&O avait évoqué vouloir porter plainte auprès de la Commission européenne pour abus de position dominante en cas d’acquisition des navires par Eurotunnel.

“Ce qui nous intéresse, c’est comment Eurotunnel, avec l’équipe de l’ex-SeaFrance, compte réussir là où SeaFrance a échoué”, a indiqué Brian Rees, directeur de la communication de la compagnie britannique.

“Nous devons attendre et voir comment la nouvelle compagnie est mise en place et financée, et savoir si ce qui est proposé représente une concurrence loyale (…). Si nous pensons que c’est déloyal, nous ferons part de nos inquiétudes”, a-t-il ajouté.