Avec la crise, les banques européennes se désengagent des pays pauvres

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ège de la Banque mondiale à Washington (Photo : Tim Sloan)

[14/06/2012 16:04:42] PARIS (AFP) La crise de la zone euro contraint les banques européennes à se désengager des pays émergents et des pays pauvres, notamment en Afrique subsaharienne et dans le monde arabe, a constaté la Société financière internationale (SFI), appelée à suppléer ce retrait.

Alors que les répercussions en matière de financements sur les pays émergents avaient été “minimales” après la crise de 2007-2008, née aux Etats-Unis, l’impact de la tempête que traverse actuellement la zone euro “est beaucoup plus important”, explique le vice-président de cette filiale de la Banque mondiale, Rashad Kaldany, dans un entretien à l’AFP.

Les banques européennes sont “fortement touchées” par la crise, “l’accès aux liquidités en dollars leur est très difficile depuis août dernier”, et elles doivent qui plus est se désendetter et renforcer leurs fonds propres pour répondre aux nouvelles règles internationales, rappelle-t-il.

Du coup, “elles se désengagent”, et “nous réalisons à cette occasion l’importance des banques européennes pour le financement des marchés émergents”, poursuit le vice-président de la SFI, une société chargée de soutenir le secteur privé par ses financements.

Selon Rashad Kaldany, “si la situation perdure, les répercussions sur les marchés émergents risquent d’être bien plus graves qu’il y a trois ou quatre ans”, avec un ralentissement économique plus marqué qu’actuellement.

Augmentation de la demande de services financiers

“L’impact est particulièrement fort en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord”, souligne-t-il, tandis qu’en Asie ou en Amérique latine, “les banques locales prennent tant bien que mal le relais” des établissements européens.

Les secteurs les plus touchés, “dans lesquels les banques européennes sont particulièrement fortes”, sont notamment “le financement des matières premières, du commerce et certains projets de long terme” dans les infrastructures, détaille-t-il.

En mal de financements, les entreprises et investisseurs se tournent donc vers la SFI. “Les banques européennes elles-mêmes leur disent de venir nous voir”, assure M. Kaldany, évoquant une “augmentation forte et qui continue de progresser de la demande de services financiers de la SFI depuis le mois d’août”.

Il assure que l’institution financière “veut continuer à opérer dans les pays les plus difficiles”. “C’est notre mandat.”

Mauvaise passe?

La SFI, “bien capitalisée” notamment grâce à des investissements fructueux, “ne peut pas combler tout l’espace” laissé vide par le désengagement des banques européennes, mais “peut le faire en partie et tente aussi d’encourager de nouveaux bailleurs à l’accompagner”, estime M. Kaldany.

Les Etats et institutions européens, qui avaient pris en partie le relais des bailleurs fragilisés par la crise de 2007-2008, sont à leur tour en mauvaise posture, et il faut donc chercher ailleurs. “C’est un vrai défi”, reconnaît le vice-président de la SFI.

“Les banques chinoises renforcent leurs investissement mais restent très prudentes, elles préfèrent pour l’essentiel accompagner les entreprises publiques chinoises”, explique le vice-président de la SFI. “Il va leur falloir du temps.”

La Banque mondiale espère toutefois qu’il s’agit d’une mauvaise passe et que les banques européennes pourront reprendre leur place dans les pays pauvres et émergents. “Cela devrait leur prendre deux ou trois ans pour s’adapter, ce n’est pas un changement structurel, ce qui est encourageant”, déclare M. Kaldany.

Selon lui, la SFI “a des marges de manoeuvre pour prendre le relais pendant deux ans” en augmentant “assez substantiellement ses investissements”.

Après quoi, il lui faudra se tourner vers ses Etats membres, pour demander de nouvelles ressources. Sinon, “il faudra innover”.