Voyage sans retour au temps de la drachme

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èce de cinq drachmes (Photo : Aris Messinis)

[15/06/2012 07:32:19] ATHENES (AFP) C’est à un périple glorieux au temps de la drachme antique que le directeur du musée numimastique d’Athènes convie des groupes d’écoliers, mais il est pour lui sans retour.

“A ces jeunes qui n’ont connu que l’euro, je dis qu’ils doivent tout faire pour le garder”. Si George Kakavas professe “une passion pour la drachme, une monnaie magnifique”, son amour reste tout platonique.

“Quand j’étais à Londres, étudiant en archéologie, je me souviens de mes drachmes en poche, et je n’allais pas loin”, dit-il à l’AFP, en admettant qu’aujourd’hui “le musée de la drachme est bien à court d’euros”.

Sa collection unique de drachmes, de l’antiquité jusqu’à son effacement, en 2001, au profit de l’euro, est abritée dans l’ancien palais néoclassique de Heinrich Schieleman, le découvreur allemand de Mycènes et de Troie.

– Un retour à la drachme serait un cauchemard –

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ènes (Photo : Aris Messinis)

Pas de nationalisme monétaire, ni de romantisme fiduciaire, la Grèce en crise vivrait comme un cauchemar le jour du retour à la drachme disent tous les sondages. Un “Jour-J” qui n’est plus exclu par des cercles européens et des financiers internationaux.

Au marché aux puces de Monasteraki qui s’étale au pied de l’Acropole, Fanny Persitsa cherche à vendre ses vieilles drachmes. La Banque de Grèce a cessé tout échange contre des euros depuis mars.

D’une boîte en métal, elle sort et étale billets et pièces sur un étal. Il y en a pour dix mille drachmes, trente euros au dernier cours officiel. Le marchand les regarde à peine, et dit :”c’est cinq euros, pas un de plus”.

“On ne peut plus trouver d’argent, les banques n’en prêtent plus, amis et famille sont fauchés comme nous, alors on vend tout ce qu’on peut”, dit à l’AFP la jeune femme qui a perdu son emploi de “coach” dans un club de gymnastique.

Le récit de sa précarité est énoncé sans pathos. “Si nous n’avions pas deux enfants, j”aurais déjà quitté la Grèce, comme tous les jeunes pensent le faire”, explique-t-elle, son témoignage s’ajoutant à tant d’autres sur la désespérance sociale.

La drachme, c’est fini. “La vie était certainement moins chère de son temps, mais si on retourne en arrière cela sera pire, et on sera enfermé dans ce pays” dit-elle, ajoutant : “Des efforts, oui, on doit en faire pour garder l’euro”.

– Drachmes, objets souvenirs pour les touristes –

Vendre des drachmes aux touristes, puisque les Grecs n’en veulent pas, c’est ce que tente tous les jours Iannis Psaltis derrière une petit table pliante. “Cela ne marche pas fort, peut-être il fait trop chaud”, lache-t-il.

Il propose un jeu de sept pièces, les ultimes drachmes de 2000 glissées dans un plastique fatigué, pour cinq euros. C’est négociable. Il est plus intransigeant pour un drachme du 19ème siècle, frappé à Paris.

Avec un certain dégoût, il exhibe un billet verdâtre imprimé pendant l’occupation allemande lors de la deuxième guerre mondiale. Il “valait” 5 millions de drachmes, autant dire rien. Et guère plus aujourd’hui.

“C’est une monnaie parallèle, appelée IOU (I owe you), une reconnaissance de dettes qui pourrait être émise si on ne pouvait tenir l’euro”, dit à l’AFP un ex-conseiller gouvernemental qui a requis le strict anonymat.

Pas davantage de nostalgie chez cet expert des questions financières, même si derrière lui, au mur de son bureau, est accrochée une tapisserie reproduisant.. un vieux billet en drachmes.

Comme une lointaine relique du temps où la drachme fut la monnaie unique du monde antique. Son règne s’étendra, sous Alexandre le Grand, au 4ème siècle avant notre ère, jusqu’au fleuve Indus.

Ainsi passent les empires, et leur monnaie avec. Les sesterces romaines s’imposeront à leur tour. Puis tant d’autres, signes d’hégémonie politique et commerciale, comme le diram arabe, le solidus byzantin, le ducat vénitien..

Les premières drachmes “modernes”, après l’indépendance grecque, furent frappées en 1832 à Paris et Munich, ce qui fait sourire M. Kakavas en son musée. Il pense au rôle joué aujourd’hui dans l’UE et la crise grecque par la France et l’Allemagne.