Carlos Slim lance l’offensive des émergents sur le marché européen des télécoms

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à Mexico (Photo : Yuri Cortez)

[15/06/2012 13:11:54] PARIS (AFP) America Movil, l’opérateur téléphonique du milliardaire mexicain Carlos Slim, a lancé une double offensive sur de petits rivaux en Autriche et aux Pays-Bas, bousculant un marché européen des télécoms balkanisé et profondément fragilisé par la crise.

Carlos Slim, souvent présenté comme “l’homme le plus riche du monde”, a renforcé vendredi sa position dans le capital de Telekom Austria, passant de 4,1% à 6,7%, et veut monter dans l’année à 23%.

America Movil est également à la manoeuvre dans KPN, l’opérateur historique des télécommunications aux Pays-Bas. Contre l’avis de la direction de sa cible, il tente une prise de contrôle rampante en portant sa participation jusqu’à 27,7% dans le cadre d’une offre d’achat partielle.

“Les opérateurs européens n’affrontent pas bien la crise qui frappe l’Europe et déstabilise leurs cours de Bourse”, explique Stéphane Dubreuil, analyste au cabinet Sia-Conseil.

“Les cours de tous les opérateurs européens sont en baisse et se retrouvent sous-évalués en Bourse”, ce qui permet à M. Slim “d’acheter à des prix assez faibles, en ne valorisant KPN qu’à 4,8 fois son excédent brut d’exploitation”, poursuit M. Dubreuil. Et la faiblesse actuelle de l’euro face au dollar rend de telles emplettes encore meilleur marché.

La baisse des valeurs télécoms en Bourse, voilà “ce qui attire quelqu’un comme Carlos Slim”, confirme le président du directoire de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, qui dirige par intérim l’opérateur SFR.

Pour le PDG de France Télécom, Stéphane Richard, l’excessive régulation pesant sur le secteur permet à des industriels venus de pays émergents de s’attaquer aux pépites de l’économie du vieux continent.

“Vingt ans de régulation européenne nous ont conduit à voir un opérateur latino-américain acheter l’une des plus belles entreprises européennes”, a-t-il lancé jeudi lors d’un colloque spécialisé.

M. Richard souligne toutefois que cette nouvelle phase de recomposition de l’industrie européenne devenait nécessaire en raison de sa trop grande fragmentation. Mais “pour que ça se déclenche, il fallait l’arrivée d’un acteur extérieur”. “Carlos Slim avait depuis longtemps l’Europe dans son radar”, relève-t-il.

Avec ses 150 opérateurs, contre quatre aux Etats-Unis et trois en Chine, le marché européen est tellement fragmenté qu’il ne peut qu’intéresser d’autres investisseurs désireux de jouer un rôle dans son inéluctable consolidation.

“L’arrivée de Carlos Slim est le signe avant-coureur de l’arrivée des opérateurs chinois sur le marché européen”, estime M. Dubreuil.

Si l’initiative du milliardaire mexicain pourrait être suivie par d’autres tentatives de rachat d’opérateurs venant d’ailleurs, elle pourrait également pousser les opérateurs européens à fusionner entre eux.

“Un trop grand nombre d’opérateurs nuit à l’intérêt général comme en Grande-Bretagne ou en Autriche”, remarque M. Lévy.

“Il est possible que cela donne le signal d’une nouvelle phase de consolidation (entre acteurs européens), mais la vague précédente au début des années 2000, n’a pas montré que c’était forcément un succès, et n’a pas crée de valeur pour les actionnaires”, ajoute le patron de SFR.

Si l’on mariait France Télécom avec Deutsche Telekom, par exemple, “on créerait la société privée la plus endettée au monde”, note pour sa part le directeur financier de France Télécom, Gervais Pelissier.