Le débat politique sera désormais «recadré». L’errance idéologique pourrait-elle, à la lumière de l’appel de la nation, marquer un net coup d’arrêt? Le repère national va-t-il supplanter le repère confessionnel? En tout cas, la sécurisation du process de transition démocratique pourrait rebondir. Peut-il devenir la priorité de la Constituante?
BCE, pour Béji Caïd Essebsi, a-t-il en ce moment historique l’esprit habité par ce message choc du dernier quart d’heure de la lutte nationale? «C’est lui qui conduit le combat et c’est lui qui garantit le résultat». Sa mission est très difficile à conduire.
Paradoxalement, elle est simple à décrire. Pendant ces dernies mois, on a subrepticement retiré de la scène politique toute référence à la Tunisie. On a vécu un tragique effacement identitaire. Au nom de la rupture avec la dictature, on a vu comme un renoncement à l’attachement à la patrie. Focalisant le débat sur l’alignement confessionnel, la piété est substituée au carburant «naturel» de tout projet civil, à savoir le sentiment national. L’appel de BCE constitue de ce point de vue un sursaut en la matière et le patriotisme sera de retour.
Est-ce le raz de marée qui va remettre à flots le projet citoyen? Est-ce qu’on est en train d’assister au «strike» qui va raviver la flemme de notre génie national? Ce dernier a été notre ciment populaire garantissant l’unité du peuple de Tunisie. Comment BCE entend-il y parvenir?
Un appareil de parti
La démarche de Caïd Essebsi est toute cohérente. S’il faut remettre le peuple en selle, il faut tout simplement se donner un appareil de parti, et c’est probablement ce qui est en train de se faire. L’homme aligne toutes les qualités et tout le know how pour mener à bien cette mission. S’il se met en avant de cette initiative, ce n’est peut-être pas pour l’instrumentaliser plus que pour en être le rassembleur et… l’inspirateur. Avec le supplément d’âme qu’il insuffle à l’opinion publique, il peut vite fait, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, agglomérer un socle populaire autour de son projet. Il y aura un allant populaire tel que la scène politique s’en trouvera obligatoirement reconfigurée.
Désormais deux projets seront en présence mettant un terme aux tiraillements politiciens qui ont tellement exaspéré les Tunisiens. Comment cela va-t-il peser sur le déroulement du processus de transmission? C’est bien là, on en conviendra, la question fondamentale qui se posera, demain. C’est en intelligence avec cette interrogation qui taraude tous les Tunisiens que se positionne l’initiative de Caïd Essebsi.
Les paris d’avenir
Sans vouloir pousser dans la plaisanterie, mais BCE doit prouver au peuple que Caïd est un chef. Il lui faut prendre place à présent sur l’échiquier politique. Se posant comme porteur d’un recours, pas personnellement mais via son premier cercle, en face il va probablement contraindre le chef d’Ennahdha à renoncer à son projet de retraite. Alors, peut-on échapper au duel des chefs? Difficile à dire tant les ingrédients semblent se mettre en place.
Ce faisant, BCE va s’attirer les foudres du ciel. Cherchant à le contrer, on peut penser que ses adversaires politiques s’emploieront à faire remonter les délais de poursuite de la justice transitionnelle jusqu’à 50 ans dans le but de l’atteindre ou au moins de l’éclabousser.
Enfin, de le gêner d’une quelconque manière que ce soit. Nous prenons le pari que la politique ne sera plus ce long spectacle ennuyeux à force d’avoir été monotone. Avec le retour de BCE, le peuple fait son come back dans ce combat pour son destin. Il devra arbitrer entre celui qui réforme et celui qui déforme. Ca va tanguer.