ège de la Banque centrale européenne à Francfort (Photo : Daniel Roland) |
[16/06/2012 10:25:16] FRANCFORT (AFP) L’idée d’une autorité de supervision bancaire gagne en puissance ces derniers jours en Europe, ainsi que la volonté de voir la Banque centrale européenne (BCE) assumer ce rôle, au détriment de l’Autorité bancaire européenne (EBA) qui pourrait y prétendre.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a promis mercredi des propositions “à l’automne” en vue d’une union bancaire, après avoir annoncé la veille qu’il souhaitait qu’elle devienne réalité dès 2013.
Vendredi, le président de la BCE Mario Draghi a laissé entendre que les réflexions en ce sens pourraient être présentées dès le sommet européen du 28 et 29 juin, après avoir indiqué qu’il était en contact avec M. Barroso, Herman Van Rompuy et Jean-Claude Juncker “pour réfléchir à des éléments d’une vision à plus long terme” de l’union monétaire.
Face à la crise traversée par les banques de la région, la BCE a été parmi les premières à réclamer la constitution d’une union bancaire pour parachever l’union monétaire.
Cette union serait dotée d’un pouvoir de supervision, d’un fonds de résolution de crise et de recapitalisation ainsi que d’une garantie de dépôt afin d’éviter la fuite de capitaux de certaines banques ou certains pays.
Les deux derniers points se heurtent à l’opposition affichée de Berlin, premier contributeur aux plans d’aide européens en tant que première économie de la région. L’Allemagne juge une union bancaire prématurée avant la constitution d’une union budgétaire, qui permettrait une surveillance supranationale des budgets.
Un point de vue réfuté cette semaine par le vice-président de la BCE Vitor Constancio, selon qui l’union budgétaire ne constitue pas un préalable.
Il a toutefois essayé de rassurer Berlin, en soulignant que ce sont les banques qui financeraient en grande partie les fonds de l’union bancaire et non les deniers publics.
Surtout, il a affiché clairement la volonté de la BCE de prendre les rênes de la supervision bancaire.
Une proposition qui a eu l’heur de plaire à la chancelière allemande Angela Merkel, qui vient de plaider pour un rôle accru de la BCE dans la surveillance des banques.
“Il nous faut une autorité de supervision plus indépendante”, a-t-elle réclamé, dans une critique indirecte de l’EBA, soupçonnée de complaisance envers les régulateurs nationaux et accusée d’avoir sous-estimé les problèmes des banques espagnoles.
L’EBA, créée en novembre 2011 afin de renforcer le cadre de surveillance du système financier, peine à convaincre de son sérieux après des tests de résistance des banques européennes que beaucoup jugent trop complaisants.
Surtout, elle souffre d’un manque cruel de moyens humains, selon les économistes, et de sa situation excentrée à Londres, proche de la City mais loin de Bruxelles et Francfort, où siège la BCE.
“Une supervision proche de la banque centrale n’est pas une mauvaise idée car une banque centrale est la mieux placée pour comprendre ce qui se passe sur le terrain”, juge Sylvain Broyer, économiste de Natixis, ajoutant qu'”en terme de connaissance du métier bancaire et d’accès aux informations, une banque centrale est le bon interlocuteur”.
“La BCE est déjà l’autorité chargée de la stabilité financière plus ou moins directement, ce serait boucler la boucle que lui confier la supervision bancaire”, ajoute-t-il.
Pour Holger Schmieding, de la banque Berenberg, “donner le rôle principal à la BCE faciliterait le consentement de l’Allemagne et la Bundesbank (la banque centrale allemande, ndlr) à des étapes vers une union bancaire”.
Cela permettrait aussi à la BCE, qui ne ménage pas ses efforts pour aider les banques, leur accordant entre autres des prêts à des taux très bas et à montant illimité depuis le début de la crise, à poursuivre sur cette voie, selon M. Schmieding.
Si la BCE prenait en charge la supervision bancaire “l’EBA n’aurait plus de raison d’existence”, selon des sources diplomatiques cités par le quotidien allemand Handelsblatt paru vendredi.
D’autant qu’un élargissement des compétences de l’EBA, qui surveille les banques de toute l’Union européenne, paraît improbable en raison des conflits d’intérêt que cela risque de créer avec les dix pays non membres de la zone euro, en particulier la Grande-Bretagne réticente à ce que l’on scrute de trop près son secteur financier.