Pour bon nombre de Tunisiens, l’amiral Jacques Lanxade n’est pas une personnalité inconnue, il a été ambassadeur de France en Tunisie de 1995 à 1999. Alors, quand cet ancien militaire (il a été chef d’État major des armées françaises de 1991 à 1995) et diplomate évoque la Tunisie, en particulier, et les pays du sud de la Méditerranée, il sait de quoi il parle. C’est donc compte tenu tous ces facteurs –et bien d’autres du reste- qu’il a récemment été invité par l’Ingénierie méditerranéenne pour l’export et le développement (IMED), pour donner son avis sur les conjonctures de ce côté-ci de la Méditerranée.
Jacques Lanxade, président de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES), dresse un constat et se livre à “un exercice de géopolitique sur l’avenir des pays du sud de la Méditerranée“; un avenir qu’il considère inquiétant, selon le portail econostrum.info.
D’abord, Jacques Lanxade estime qu’il y a eu “confiscation des révolutions par les islamistes qui s’appuyaient sur une légitimité: ils avaient combattu le pouvoir en place, donc étaient issus de la résistance. Organisés contrairement aux autres partis, ils bénéficiaient aussi de financements“. Mais contrairement à certains analystes, pour lui, le retour à la religion était perceptible depuis quinze ans dans le monde arabe. Ceci dit, “à partir du moment où la liberté existe, il faut voir comment évoluera le sentiment religieux, manière de faire face à la dictature comme auparavant en Espagne”, rapporte notre source. De ce point de vue, il invite les pays arabes à résoudre ce problème de confrontation “entre les Frères musulmans, dont l’objectif est la prise de pouvoir, et les salafistes qui veulent changer la société en instaurant la charia. Les partis modérés se réfèrent à l’AKP turc mais en oubliant que la Turquie dispose d’une constitution laïque”.
En tant que militaire doublé de diplomate, son pronostic sur l’avenir reste sombre. En effet, Jacques Lanxade estime que “les transitions seront longues, difficiles, dangereuses. Les Islamistes au pouvoir devront donner une bonne image pour faire revenir les touristes et les investissements. Sinon, il faudrait peut-être faire une seconde révolution…”. Voilà son analyse globale de la situation.
Cependant, quand il livre sa vision des choses sur chaque pays, on constate que ses inquiétudes diffèrent d’un pays à l’autre.
En effet, pour la Tunisie, il a plutôt un constat positif: “Ennahdha est confronté à des actions salafistes. Mais 5 à 6.000 personnes ne viendront pas compromettre la relance économique. Les perspectives demeurent favorables. La transition s’achèvera avec les élections début 2013. Mon analyse table sur un recul des islamistes”, souligne l’amiral Lanxade.
Concernant le Maroc, s’il considère comme une bonne la proposition du roi Mohamed VI de faire évoluer la monarchie absolue vers une monarchie parlementaire, “avec la séparation du politique et de sa responsabilité de chef religieux“, ce qui, à ses yeux, a eu pour mérite d’“empêche toute évolution désagréable que pourraient tenter les islamistes”, il a des fortes appréhensions sur la situation économique et sociale qu’il juge “pas très satisfaisante avec une corruption très forte et une classe moyenne extrêmement réduite. La stabilité de ce pays n’est pas garantie à terme”, indique econostrum.info.
Quid de l’Algérie? Les prévisions sur l’avenir de ce pays ne sont pas très rassurantes, car “… l’armée assure toujours un contrôle très étroit de l’économie. Tout ne va pas dans le bon sens…”
Jacques Lanxade est encore plus critique sur la Libye, où il juge la situation “très préoccupante avec l’absence quasi-totale de gouvernance“. Pour autant, ses conseils pour la diplomatie économique de la France, c’est: “Il reste important de suivre ce pays et les besoins de son économie. La France dispose d’une belle image et la coopération avec les Tunisiens demeure une solution pour s’en sortir car les Tunisiens ont l’habitude de travailler avec la Libye“.
En ce qui concerne l’Egypte, le constat du président de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) c’est que ce pays “…se partage désormais en trois forces: les Islamistes, l’armée et ceux qui ont fait la révolution et se sentent frustrés“. Autrement dit, tous les ingrédients sont réunis pour une situation explosive, avec des conséquences sur la croissance économique, le tourisme et les IDE.
Quant à la Syrie, Jacques Lanxade reste convaincu que “le départ de Bachar al-Assad est acquis. Reste à savoir quand et dans quelles conditions“, pour autant, il pense également que “ce pays est perdu pour le commerce international pour quelques années”.
Enfin, concernant la Turquie, le militaire diplomate français affirme qu’”elle a pris son autonomie diplomatique en prenant conscience qu’elle n’entrerait pas dans l’Union européenne. La Turquie apparaît comme le modèle avec le mythe de l’empire Ottoman“.
En conclusion, l’amiral Lanxade, tout en regrettant “les conditionnalités demandées aujourd’hui plus fortes qui ne l’étaient pas vis-à-vis des anciens régimes, note éconostrum.info, souhaite que l’Union européenne poursuive et amplifie ses relations avec les pays du sud de la Méditerranée.