«Quelques réformes ont été conduites au cours des dix dernières années, mais le secteur a encore une marge de progression». Ces propos d’Antonio Nucifora, économiste principal à la Banque mondiale, résument parfaitement la perception qu’a cette institution de la situation du secteur des télécommunications en Tunisie.
Si elle a, entre 2005 et 2009, «dépassé la plupart des autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) en termes de pénétration de portables dans le marché (nombre de téléphones mobiles par habitant)», «par rapport à la pénétration moyenne de portables en Europe orientale, une région qui a mis en place une réforme plus profonde, la Tunisie a encore une certaine marge de croissance. Plus important encore, la bande passante par habitant en Europe de l’Est est 4 et 10 fois plus élevée qu’en Tunisie. Le prix de la connectivité en Tunisie est beaucoup plus élevé. En Tunisie, l’infrastructure de base nationale et internationale des télécommunications est de facto un monopole de Tunisie Télécom», analyse la note de la Banque mondiale.
«La Banque mondiale estime que, avec les réformes appropriées, la Tunisie a le potentiel de devenir un leader régional dans le secteur des TIC», estime une note distribuée mardi 19 juin 2012, à l’occasion d’une table ronde organisée pour lancer le débat sur «La concurrence dans le secteur des télécommunications en Tunisie».
Mais le chantier étant trop vaste –«il faut tout revoir»-, décision a été prise, explique Kamel Saadani, président de l’Instance Nationale des Télécommunications (INT) de commencer par le plus urgent: «renforcer le régulateur» (c’est-à-dire l’INTT).
Pour ce faire, il faut d’abord «rendre obligatoire l’application des décisions» de cette instance, recommande le président de l’INT. Ce qui n’est pas le cas à ce jour, les opérateurs ont la possibilité d’introduire un recours auprès de la justice suspendant ainsi l’exécution des décisions.
Ensuite, il convient de «clarifier les relations avec le Conseil de la concurrence». Ce qui –bonne nouvelle- est en passe d’être fait. Puisque «un mémorandum clarifiant ces relations sera signé dans quelques jours», annonce M. Saadani.
De même, il est important d’œuvrer au partage des infrastructures. «Le cadre réglementaire doit permettre la mise à disposition des réseaux de fibre optique de certaines sociétés –STEG, Tunisair, Tunisie Autoroutes, etc.», estime le conférencier.
Quatrième mesure incontournable: «accélérer le rééquilibrage tarifaire à Tunisie Télécom pour faciliter le dégroupage». Problème: «Tunisie Télécom affirme vendre à perte» à ses concurrents. Pour comprendre ce qu’il en est, l’INT a lancé un audit des prix de l’opérateur historique.
Mais une fois cette instance mise sur les rails, il faudra s’attaquer à ce qui, pour Carlo Maria Rossotto, expert principal des TIC auprès de la Banque mondiale, constitue «le problème le plus important: doter l’opérateur historique des outils lui permettant de faire face à une concurrence accrue. Tunisie Télécom a en particulier besoin d’une politique de l’emploi flexible sans laquelle elle ne pourrait être compétitive».
Plusieurs intervenants, dont un représentant d’Orange Tunisie, ont insisté pour que les réformes en discussion soient mises en œuvre le plus rapidement possible. Car il y va de l’intérêt des concurrents de Tunisie Télécom, mais également de la Tunisie. Puisque la libéralisation du secteur des télécommunications peut donner un important coup d’accélérateur à l’économie. «Chaque bond de 1% du taux de pénétration entraîne une progression de 1,4% du PIB», calcule Carlo Maria Rossotto.