On ne cesse de temps à autre d’entendre parler de l’intention de certains grands groupes énergétiques d’investir dans notre désert pour pomper l’électricité solaire verte en vue de son exportation sur l’Europe sans qu’aucun ne nous explique quel sera la part de la Tunisie dans l’exploitation de son filon d’or vert.
En fait, la quête pour l’électricité verte des pays de la rive nord de la Méditerranée doit être mise en rapport avec la quête de la Tunisie pour l’eau qui lui manque et dont tous les protagonistes semblent l’ignorer superbement!
En effet, d’après la FAO, quand les ressources internes renouvelables en eau sont inférieures à 1.000 m3 par habitant/an, le manque d’eau est alors considéré comme un grave frein au développement socioéconomique et à la protection de l’environnement. Les pays avec moins de 2.000 m3 par habitant sont dans une situation difficile d’insuffisance des ressources d’appoint qui se traduit par des difficultés majeures pendant les années de sécheresse. Que dire pour le cas de la Tunisie où ces ressources sont de l’ordre de 400 m3! Ce qui nous laisse une soif à étancher par 1.600 m3 supplémentaires à dessaler de la mer, soit une nouvelle dotation de pas moins de 19 km3/an.
Faut-il une autre Révolution pour nous le faire rappeler? Les cris de détresse de nos jeunes dans tous les coins du pays ne nous ont pas assez alertés sur le frein au développement que constituait cette carence aquifère? Une simple lecture de la liste de nos importations des produits de base, tels que céréales primaires et secondaires, huiles végétales sucres et tourteaux de soja pour l’alimentation de notre cheptel et de notre aviculture ne nous renseigne-t-elle pas assez sur l’eau qui peut être mobilisée pour les produire dans nos champs sous-exploités et parfois en jachère, et ce pour l’unique raison d’absence de ressource d’eau suffisante pour l’irrigation?
Par ailleurs, la récente technique développée en matière de production d’énergie renouvelable solaire par les centrales à concentration (CSP) consistant à coproduire électricité et eau dessalée peut être mise à contribution pour nous livrer les 19 km3.
En effet, un km² de nos terres produit 250 millions de kW et 60 millions de m3 d’eau dessalée/an: c’est-à-dire que seulement 320 km² (0,6% de notre désert) nous suffisent pour mettre à flot notre économie tout en nous permettant d’exporter 80 milliards de kWh (à 0,20 euro le kW/h) et d’épargner à l’humanité entière l’émission de pas moins de 80 millions de tonnes de CO2 (à 40 euros la tonne), et ce pour chaque année!
Quant au nombre d’emplois générés par les centrales CSP, il est de l’ordre de 10 emplois par MW lors des 2 années de montage et d’un emploi permanent par MW pour les 25 ans d’exploitation.
Ces prétendants mégaprojets peuvent-ils s’insérer dans cette logique de gagnant/gagnant ou pérennisent-ils le pillage des ressources des pays du fameux tiers monde comme ils ont toujours su le faire depuis des siècles?
D’après les informations qui circulent sur le pionnier «TuNur», rien ne semble indiquer qu’il a pris en compte notre préoccupation aquatique. Sur les 2.000 MW de capacité de production qu’il envisage d’installer, soit l’équivalent de 2 centrales nucléaires, coûtant de 1,5 à 3,5 milliards d’euros/pièce, il prévoit de nous léguer bénévolement et gracieusement 133 MW sans coup férir! Il semble agir comme pour la redevance de passage de 6,5% que la Tunisie perçoit sur le gaz transitant sur notre territoire. Il s’est donc approprié physiquement notre soleil et notre désert en exterritorialité et pense user d’un droit de passage tout simplement! On apprend toujours avec ces multinationales -apatrides!
En fait, la quémande doit venir des interlocuteurs tunisiens qui semblent ignorer la quête insatiable de leurs concitoyens pour une eau potable aux normes de l’OMS ainsi que la soif de nos champs laissés en friche pour manque d’eau et les fluctuations erratiques de nos récoltes livrées aux aléas pluviométriques spécifiques à notre climat méditerranéen!
Il est temps donc de penser à établir des termes de référence spécifiant nos exigences en matière d’écodéveloppement et de commerce équitable, pour exploiter ce gisement à ciel et mer ouverts en vue de faire appel à la concurrence internationale afin de nous gaver, annuellement, des 19 km3 d’eau et d’exporter électricité verte et CO2 évités selon les accords de Kyoto.
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) seront bien intéressés, car ils ont des freins à leur croissance à la suite des quotas de CO2 qui leurs ont été assignés par les accords dont-il s’agit…
Puissent nos représentants/décideurs s’armer de ses arguments pour négocier avec ces mastodontes et défendre l’intérêt de la Tunisie assoiffée! Amen.