écoute de la musique dans un magasin de Hong-Kong, le 17 juin 2012 (Photo : Philippe Lopez) |
[21/06/2012 15:10:04] HONG KONG (AFP) De la Corée du Sud high tech aux trompes tibétaines, l’Asie est une vaste mosaïque culturelle étirée entre folklore millénaire et modernité. Mais la révolution numérique a bouleversé là aussi le secteur et les acteurs de l’industrie musicale tâtonnent pour répondre à d’immenses défis.
La diversité des sensibilités musicales, l’existence de paradis du piratage et un environnement légal tortueux freinent la croissance en Asie des revenus tirés du numérique (musique écouté sur internet, par opposition aux CD et DVD).
Dans la plupart des pays d’Asie, l’offre de la boutique en ligne iTunes d’Apple reste limitée, alors qu’elle est un fer de lance du secteur en Europe et aux Etats-Unis pour compenser la chute des ventes des formats physique.
Les services de streaming (diffusion en flux sur internet) populaires en Occident, tels que Spotify ou Rhapsody, sont absents de la région, qui abrite pourtant des millions de fans de musique.
“Faire son business dans ce qu’on appelle le monde occidental est un peu plus simple”, souligne Ruuben Van den Heuvel, consultant avec GateWay Entertainment et ancien de chez Sony Music. “Pour les compagnies occidentales qui viennent en Asie, c’est comme débarquer sur une nouvelle planète et se demander comment ça marche”.
Lutter contre le piratage
L’industrie musicale a été secouée ces dix dernières années par la chute des ventes des DVD et CD, que ne parviennent pas à compenser les recettes du numérique (téléchargement, abonnement à des services en ligne…). D’autant que beaucoup se procurent leur musique préférée gratuitement, via le piratage ou le téléchargement illégal.
Le secteur parvient peu à peu à remonter la pente. Il “a saisi les opportunités du monde numérique d’une manière que peu d’autres ont saisi”, déclarait récemment Frances Moore, directrice de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI). “Nous tirons un tiers de nos revenus (plus de 50% aux Etats-Unis) du numérique, soit bien plus que le cinéma, l’édition ou les médias”.
échoppe de New Delhi, en septembre 2003 (Photo : Ravi Raveendran) |
La région Asie/Pacifique devrait représenter 35% du chiffre d’affaires numérique musical mondial d’ici 2015, à 7 milliards de dollars US (5,56 milliards d’euros), selon une étude du cabinet de consultants Ovum. Mais cette croissance risque d’être compromise par la quantité de musique disponible gratuitement sur internet.
La Chine, par exemple, a deux fois plus d’internautes que les Etats-Unis. Mais le revenu par utilisateur, dans la musique numérique, représente 1% de ce qui est réalisé aux Etats-Unis, selon l’IFPI.
Un accord intervenu en 2011 entre le moteur de recherche chinois Baidu et les groupes Sony, Universal et Warner, s’est conclu par la fermeture de services illégaux et la création d’une offre numérique autorisée.
Mais le taux de piratage en Chine est estimé à 99%, ce qui signifie que le marché légal est loin de fonctionner selon son potentiel. Les ventes de musique, physique et numérique, totalisent seulement 67 millions de dollars US, soit autant qu’en Irlande.
Même cas de figure en Inde, qui compte pourtant 40 millions d’utilisateurs de smartphones et 14 millions de foyers connectés à l’internet haut débit.
“Des pays immenses comme l’Inde ou la Chine ont un tas de problèmes à régler, qui passent bien avant le piratage”, note Ruuben Van den Heuvel. “Il va falloir encore du temps pour que la question du piratage soit vraiment prise en compte et que les consommateurs soient obligés d’acheter des contenus légaux sur le net”.
Le modèle sud-coréen
La Corée du Sud montre cependant la voie dans la région. Dès 2007, elle a dépoussiéré les lois sur le copyright pour prendre en compte l’explosion de l’univers numérique et a obligé les sites qui pratiquaient le piratage à s’enregistrer auprès du gouvernement, et à installer des filtres.
Le pays, un des plus connectés au monde, est à présent un des marchés les plus vigoureux pour la musique numérique, avec trois millions d’abonnés à des sites légaux tels que MelOn et Mnet.
Un environnement juridique solide et le dynamisme de la pop coréenne (la K-Pop) a propulsé le marché musical sud-coréen à la 11e place en 2011, contre la 33e place en 2005, selon l’IFPI.
KKBOX, service qui propose du téléchargement et du streaming, est dispobible à Hong Kong et Taïwan.
Et YouTube a été lancé avec succès en Malaisie, à Singapour et aux Philippines ces douze derniers mois, après le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et l’Inde, ce qui montre que ce site peut s’adapter aux marchés locaux, clients et annonceurs.
éléphones et de baladeurs MP3 à Hong Kong le 18 juin 2012 (Photo : Philippe Lopez) |
“Nous avons deviné de très fortes croissances et on a décidé de s’implanter sur ces marchés”, indiquait en mai Anthony Zameczkowski, responsable musique pour YouTube Asie/Pacifique, lors d’une conférence à Singapour.
Pour lui, la croissance de YouTube montre comment l’industrie musicale peut prospérer dans la région, “en simplifiant le processus, en s’assurant que tout le monde comprend ce qu’il va obtenir et en évitant les disputes entre les détenteurs des droits”.
“Tous les acteurs majeurs du secteur veulent se lancer en Asie d’ici un à deux ans. Mais ils doivent franchir pas mal d’étapes et de tribulations avant”, souligne Ruuben Van den Heuvel.