Tunisie – Libye : L’appel du business

Cette rencontre est à mettre à l’actif du réseau ACN, lequel a choisi d’entrer en activité ce 21 juin, jour du solstice d’été, manière d’indiquer qu’il veut se faire une place au soleil. Ambition légitime de la part de Ridha Mahjoub, qui a figuré parmi la Task force de la mise sur pied, autour de Slim Chaker, alors directeur du Famex, et de Faouzi Belhaj, président de la Chambre des bureaux d’étude et de conseil.

Ridha Mahjoub ne résiste pas à l’appel du large –pardon de l’autre côté de la frontière- et son initiative nous emble bien ciblée étant donné qu’elle cherche à imprimer un strike aux échanges entre la Libye et la Tunisie, en ce moment historique où ces deux pays sont à la recherche d’un nouveau modèle économique. L’occasion est en or. Mais d’abord quelles sont les prédispositions des hommes d’affaires de part et d’autre?

C’est le moment d’y aller

Walid M’Gasbi et Abdelaziz Ghariani, deux figures marquantes du milieu d’affaires de Benghazi ne trouvaient pas d’explication plausible à la négligence des milieux d’affaires tunisiens à se rendre en Libye alors que la circonstance est exceptionnelle. Tout est à faire ou refaire. L’économie libyenne repart du bon pied. Les quatre ports du pays sont «full», selon leur expression et les bateaux attendent plusieurs semaines en rade avant de décharger.

Convertis en avocat des hommes d’affaires tunisiens, ils les supplient de se hâter parce que l’envie est grande de la part des partenaires libyens à traiter de préférence avec la partie tunisienne. Il y a un effet d’appel, de part et d’autre, du reste, qui surplombe toutes les contingences du moment. Il y a bien des mésententes passagères ou des contredanses gênantes, mais cela n’altère en rien le penchant pour les Tunisiens. Ni les escarmouches aux frontières, pas plus que la contrebande ne viendront empoisonner les relations d’affaires du secteur organisé qui a besoin d’être recadré par les pouvoirs publics des deux côtés.

Une nouvelle formule devra surgir pour être en phase avec les exigences du moment, de même que l’indiquera Mohamed Lamine Chakhari, ministre de l’Industrie qui a assuré la clôture du séminaire.

Anticipant les peurs des Tunisiens, les hôtes libyens ont apporté toutes les assurances sur le retour au calme. La preuve c’est l’afflux des délégations commerciales étrangères. Elles abondent de tous côtés, de l’Amérique à l’Asie sans oublier l’Europe. Les Turcs débarquent avec des projets clés en mains. Les Français veulent installer une ferme pilote de 200 Ha dans l’Oued El Akhdhar, et tant d’autres.

Quels effets en retour

Les Tunisiens, assez informés de la situation, se sont enquis de bien multiples aspects de la vie des affaires. Les questions étaient pertinentes. Nous citons l’interrogation sur la célérité des processus de prise des décisions. La réponse libyenne était époustouflante. D’abord, un flash back sur l’état de paralysie dans laquelle l’ancien régime maintenait le pays. Une décision arrivait au bout de trois mois et plus, dans le désert institutionnel voulu par l’ancien régime. Depuis la révolution du 17 février 2011, les milieux d’affaires ont pris leur destin en mains et c’est non sans fierté qu’Abdelaziz Ghariani disait qu’ils s’étaient en leader d’opinions et de décision.

Les autorités publiques se plient aux volontés des milieux d’affaires et les décisions se prennent en un temps record de 48h. Les uns et les autres souhaitaient que poussent des institutions viables pour mieux encadrer l’environnement d’affaires. En la matière, la Tunisie prêtera son concours, de même que l’a indiqué M. Mohamed Lamine Chakhari.

Les autres priorités

Des réformes, il en faut pour faire repartir les échanges entre les deux pays, qu’ils portent sur le commerce, disons les services de façon générale ou l’investissement et par extension le partenariat. De même que le faisait ressortir une étude collective, élaborée par des experts de la BAD et présentée à l’assistance, ce jour-là par Emmanuel Santi, co-auteur, les problèmes de taux de change, des garanties bancaires tunisiennes exigées des opérateurs tunisiens et pour lesquelles les banques locales sont assez réticentes, sont parmi ces priorités.

L’ajustement de la fiscalité, les accords sur les rapatriements de plus-value doivent être élucidés assez rapidement. Les commissions mixtes sont réactivées et cette fois leur démarche a été inversée, dans l’espoir de les amener à plus de réalisme. Auparavant, les pouvoirs centraux mettaient un cadre soi-disant volontariste pour booster les échanges. Le dispositif n’a pas performé car étant d’inspiration administrative. A présent, il faut procéder, un peu à la manière libyenne, c’est-à-dire partir des desiderata des opérateurs et mettre en place un cadre pragmatique. De la sorte, on réunirait des conditions réalistes de voir les échanges se porter, en toute vraisemblance, vers une intégration économique, qui est vivement souhaitée par les milieux d’affaires des deux pays mais non encore évoquée par les canaux officiels.

On apprend qu’une deuxième mi-temps se jouera bientôt à Benghazi via le réseau ACN. Pour que ces rencontres ne tournent pas aux grand-messes, sans lendemain, il faudrait que les opérateurs des deux bords se présentent avec leurs business plans sous le bras. Des offres ciblées et bien calibrées ont fait défaut. L’équipe d’ACN est avertie de la question. Pourquoi donc cette omission, inexplicable?