Un Minitel (Photo : Maud Vandepoele) |
[23/06/2012 09:04:39] PARIS (AFP) Le Minitel, condamné à disparaître à la fin du mois, a marqué les débuts de la culture numérique des Français, mais loin d’être un objet dépassé qui ne suscite que la nostalgie, son héritage se retrouve encore dans les technologies d’aujourd’hui.
Son écran noir et blanc de 23 centimètres et son clavier minimaliste lui donnent l’air sorti de l’âge de pierre informatique à l’heure des tablettes et des smartphones. Pourtant, le remiser au grenier avec les téléphones à cadran serait injuste car son influence subsiste encore dans le monde des télécoms.
“Le Minitel a été une façon de préparer les Français aux usages internet qu’on connaît aujourd’hui, à travers des services de communication électronique, la messagerie, ou la consultation de bases de données”, défend la directrice des portails chez Orange France, Hélène Viot-Poirier.
“Il y a aujourd’hui des services de +cloud+ (gestion dématérialisée des données informatiques) peu différents dans l’esprit de ce qu’on trouvait dans les systèmes de consultation de bases de données sur Minitel”, souligne-t-elle.
Plus encore que dans l’outil, simplifié au maximum pour convenir au plus large public possible, c’est dans la gestion de son réseau que se situait l’innovation du Minitel.
Le Kiosque, “business model” inventé spécialement pour le Minitel, a permis une tarification simple, au temps de connexion, gérée par l’administration des télécoms plutôt que par les fournisseurs de services, en intégrant le coût de la consultation des services directement sur la facture de l’abonné.
Ce système en a inspiré de nombreux autres, comme la téléphonie portable ou les boutiques en ligne comme l’App Store d’Apple, racontent Valérie Schafer et Benjamin G. Thierry dans leur ouvrage “Le Minitel, l’enfance numérique de la France”.
être détruits et recyclés, le 12 juin 2012 à Toulouse (Photo : Pascal Pavani) |
L’exemple Free
“On y trouve une remarquable similitude de fonctionnement avec l’économie de la télématique française: un terminal subventionné (iPhone ou Minitel), des services mis à disposition du client par l’opérateur en position monopolistique ou fortement dominante, et un système de redistribution des fournisseurs d’informations dont une part est prélevée par l’opérateur”, expliquent-ils.
Le partage de revenus entre fournisseurs de contenus et opérateurs a aussi favorisé l’émergence des développeurs de services.
“Le Minitel a permis de créer en France tout un écosystème de fournisseurs de contenus qui va perdurer au-delà de la fin du service, car ces start-up ont clairement réussi leur transformation en passant de modèles Minitel à des modèles internet en ajoutant de nouvelles solutions de paiement ou des modèles publicitaires”, estime Mme Viot-Poirier.
Pour l’expert en innovation et nouveaux médias Damien Douani, “si on a des acteurs aussi virulents d’un point de vue commercial dans l’internet français, c’est grâce au Minitel”. Il cite en exemple le fournisseur d’accès à internet Free, “qui a financé son développement grâce à son service d’annuaire inversé et aux messageries roses sur Minitel”.
De plus, il y a selon lui encore une demande pour des systèmes d’interaction simples avec l’usager et de tarification transparente, comme avec les nouvelles tablettes tactiles.
“Le Minitel était un outil simple de consultation, pas de création, et c’est ce que le gens demandent, qu’on les aide à s’y retrouver dans le maquis de l’information”, explique encore M. Douani.