à Barcelone, en Espagne, le 22 juin 2012. (Photo : Josep Lago) |
[28/06/2012 09:14:40] MADRID (AFP) Parce qu’ils refusent que leurs petits-enfants vivent moins bien qu’eux et paient “pour sauver une oligarchie”, parce qu’ils sont devenus les piliers d’une société espagnole étranglée par le chômage, des retraités “indignés” ont repris les armes du combat social.
Reconnaissables à leur gilet de sécurité fluorescent jaune et à leurs sifflets, les “YayoFlautas”, inspirés du mot “iaio”, papy en catalan, multiplient les actions contre les coupes budgétaires et le monde de la finance.
Bankia, la banque espagnole récemment nationalisée, dont le sauvetage public de 23,5 milliards d’euros a précipité le pays dans une crise historique, est l’une de leurs cibles de choix.
Occupations de succursales de Bankia, de la Deutsche Bank, plus récemment du consulat d’Allemagne à Barcelone: ils ne restent jamais longtemps, juste le temps d’arriver en fanfare, de rencontrer les responsables ou de lire leurs manifestes pour dénoncer “l’argent pour sauver une oligarchie, et non pour les citoyens”.
Leur message est gravé sur leurs gilets: “Non aux privatisations. Non à la corruption et à la spéculation”.
“Nous sommes directement issus des indignés”, explique Felipe Aranguren, l’un des porte-drapeaux du mouvement né en mai 2011 en Espagne, qui dénonce une classe dirigeante incapable de sortir le pays de l’ornière.
“On était 14 au départ. On se connaissait d’anciennes luttes contre (le dictateur Francisco) Franco et ensuite pour la démocratie”, raconte ce retraité de 61 ans, issu de la gauche radicale.
Nés à Barcelone, les “YayoFlautas” ont fait des émules dans d’autres villes dont Madrid, Séville, Cordoue, Valence ou Palma de Majorque.
à Madrid, le 16 juin 2012. (Photo : Javier Soriano) |
“L’idée de base, c’est que nous avons perçu que nos enfants et nos petits-enfants avaient comme perspective une vie pire que la nôtre. Et qu’il fallait reprendre la lutte pour défendre nos droits”, explique Celestino Sanchez, 63 ans, un autre fondateur du groupe.
Car “je connais beaucoup d’amis qui doivent aider leurs petits-enfants. Ils perdent leur travail et reviennent chez leurs parents, mais les parents sont aussi au chômage. Alors les grands-parents partagent leur maigre pension”, témoigne Victoria Lillo, une “YayoFlauta” de 54 ans.
Des retraités aident leurs petits-enfants
Un retraité sur trois a aidé financièrement l’un des membres de sa famille avec sa retraite ces dernières années, et un sur quatre a dû récupérer un enfant à la maison, selon une étude récente de la Croix Rouge de Catalogne.
Les personnes âgées sont devenues “un pilier indispensable pour pallier les séquelles de la crise”, 20% d’entre elles apportant une aide financière à l’un de ses enfants, 10% une aide alimentaire et 6,5% ayant accueilli un enfant à la maison, selon cette étude.
“Pourquoi YayoFlautas? L’idée est venue des insultes de la présidente de droite de la région de Madrid Esperanza Aguirre”, qui a traité les indignés de “perroflautas”, surnom péjoratif désignant de jeunes marginaux vivant dans la rue avec leur chien et jouant de la flûte, raconte Celestino Sanchez.
“Elle nous a tellement énervés qu’on voulait se moquer d’elle. Et aussi, on voulait faire quelque chose pour la jeune génération”, dans un pays où un jeune de moins de 25 ans sur deux est au chômage, ajoute-t-il.
Le scandale Bankia qui a éclaté fin mai a décuplé la colère et les troupes.
“Ici, personne ne prend jamais ses responsabilités. Il faut qu’ils paient pour leurs erreurs”, s’enflamme Pilar Goytre, une retraitée de Madrid de 65 ans, venue soutenir le 14 juin le dépôt de plainte contre plusieurs dirigeants de Bankia, dont l’ex-président de la banque, Rodrigo Rato.
“On ne peut pas tolérer que Bankia jette dehors des familles. Si elle est nationalisée, elle est à nous et ses logements aussi”, s’insurge à ses côtés Victoria Lillo.
Or “nous savons d’expérience qu’il faut agir car personne ne va bouger pour nous”, poursuit Pilar. Elle est persuadée “qu’à la fin de l’été, ils vont couper les retraites aussi”.