La conurbation, plus simplement phénomène d’évolution urbanistique consistant en l’addition de villes à d’autres, constitue de nos jours une sérieuse menace pour les spécificités distinctives des villes du pays et risque, non seulement, de les gommer mais aussi d’aggraver le déséquilibre entre l’urbain et le rural, pour peu que rien ne soit fait pour améliorer les conditions de vie dans les régions à prédominance agricole. C’est ce que laisse entendre, du moins, le dernier livre «L’urbain en Tunisie: processus et projets» de Morched Chabbi, urbaniste et universitaire.
Le livre, qui vient de paraître, s’intéresse, particulièrement, à la conurbation et relève les transformations générées, depuis 1970, par ce phénomène dans l’organisation spatiale des villes des différentes régions.
«Ainsi, écrit Mohamed Chabbi, au Cap Bon, au Sahel, dans les régions de Bizerte et du Nord-est, les villes qui avaient des limites bien distinctes, ont connu, du fait de leur expansion urbaine consécutive à la faible maîtrise de l’urbanisation, un étalement spatial et les villes, naguère éloignées les unes des autres, ont évolué vers la formation de conurbations, c’est-à-dire de coalescence de tissus urbains appartenant à différentes villes, qui étaient auparavant bien distinctes les unes des autres».
Quant à l’impact de la conurbation sur la configuration future des villes, l’auteur pense que ce phénomène nouveau de conurbation aura des répercussions multiples, au cours des 15-20 prochaines années, car il préfigure, selon l’auteur, la constitution de régions urbaines.
Dans le détail, le livre constate qu’au Cap bon «les villes de Nabeul, de Dar Chaabane El Fehri et de Hammamet, naguère spatialement distinctes évolueront avec le développement du nouveau pôle Merazqa vers la constitution d’un continuum urbain qui s’étendra de Beni Khiar à Hammamet, sur une longueur de 25 km».
Dans la région de Sousse, les villes de Sousse, Hammam Sousse, M’saken, Messsadine et Zaouia, de par leur développement, au fil des années, ont évolué vers une conurbation.
Autres exemples cités par le livre: celui du Grand Tunis et l’évolution vers une conurbation Tunis-Zaghouan, celui des villes localisées autour de Monastir (Ksar Helal, Moknine…) et bien d’autres. La liste est loin d’être finie.
Tirant les conclusions de cette nouvelle urbanisation, l’auteur estime que ces évolutions et la constitution de ces conurbations ne doivent pas être perçues comme une addition de communes, mais annoncent la constitution d’une nouvelle forme d’organisation urbaine qui nécessite la mise en œuvre de nouvelles pratiques en matière de programmation et de planification urbaines.
Et l’urbaniste de préciser sa pensée: «l’enjeu lié à ces évolutions est de définir un fonctionnement intercommunal nécessitant des stratégies de développement intégrant l’ensemble des composantes de la conurbation. Pour cela, il sera indispensable de créer des structures chargées du développement économique et social de ces différentes structures».
En somme, l’auteur de ce précieux ouvrage sur l’urbain attire l’attention sur l’impératif de ne pas réduire l’urbanisation à un phénomène spatial, mais de considérer qu’«elle constitue, désormais, le fondement du développement socioéconomique et de la gestion des territoires».