A320 Neo, le 23 juin 2011 au salon du Bourget aux environs de Paris (Photo : Eric Piermont) |
[02/07/2012 21:34:30] NEW YORK (AFP) L’avionneur européen Airbus a annoncé lundi la construction d’une chaîne d’assemblage en Alabama, établissant une tête de pont aux Etats-Unis pour conquérir une plus large part de ce gigantesque marché, ce que Boeing a vu comme une déclaration de guerre.
“Nous sommes fortement enracinés en Europe mais nous avions besoin d’être plus visibles aux Etats-Unis. Il y a une vague de remplacements d’avions vieillissants (aux Etats-Unis) et nous avons le bon produit pour ça”, a fait valoir Fabrice Brégier, PDG d’Airbus, lors d’une conférence de presse à Mobile (sud), pour annoncer la construction d’une usine d’assemblage de monocouloirs A320.
“Cela fait de nous des citoyens américains. Ces 30 dernières années nous avons vendu 17% des avions du marché américain, cela veut dire que d’autres vendaient le reste”, a renchéri John Leahy, directeur commercial d’Airbus, dans un entretien à l’AFP.
Cette usine “va nous donner un autre coup de pouce pour obtenir une plus grosse part des marchés à venir”, à savoir “4.600 appareils qui doivent être fournis aux compagnies américaines dans les 20 prochaines années”, a poursuivi M. Brégier.
La construction de la chaîne doit commencer à l’été 2013 dans cette ville côtière du golfe du Mexique. L’assemblage des avions devrait débuter en 2015, les premières livraisons en 2016. Airbus prévoit une production de 40 à 50 appareils par an d’ici 2018.
Ce projet va générer “1.000 emplois stables et bien rémunérés” et au total 5.000 pour la région, ont fait valoir les dirigeants de l’avionneur européen.
Airbus a déjà des chaînes d’assemblage à Toulouse, à Hambourg et Tianjin, en Chine. Boeing ne construit ses avions qu’aux Etats-Unis, à Seattle (Etat de Washington) et depuis peu à Charleston, en Caroline du sud.
égier, le 12 janvier 2011 (Photo : Eric Cabanis) |
L’avionneur européen a pris une longueur d’avance sur Boeing en décidant en décembre 2010 de remotoriser son best-seller A320 pour offrir aux clients des avions consommant 15% de kérosène en moins que les modèles actuels.
Les premiers A320 Neo doivent sortir en 2015, deux ans avant le modèle correspondant de Boeing, le 737 MAX.
Eviter les risques de change
Boeing a tiré une violente bordée dès vendredi, accusant son concurrent de “déplacer des emplois d’Europe vers les Etats-Unis”, et affirmant que les aides “illégales” qu’Airbus a reçues des gouvernements européens ont détruit des “milliers d’emplois américains”.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a jugé que Boeing comme Airbus avaient bénéficié d’aides gouvernementales excessives, dans des décisions que chacune des parties interprète à son avantage.
Boeing agite le spectre de rétorsions commerciales des Etats-Unis envers l’Europe, tandis qu’Airbus affirme que le conflit ne sera résolu que par la concertation.
Thomas Enders, le patron d’EADS, maison mère d’Airbus, a été catégorique: “Il n’y aura absolument aucune suppression de postes”, a-t-il déclaré à la chaîne allemande N-TV.
Airbus cherche à réduire ses coûts en assemblant des appareils aux Etats-Unis. Il évitera ainsi le risque de change: les avions se vendent sur le marché mondial en dollars, alors qu’il produit essentiellement en Europe.
Fabrice Brégier a admis qu’Airbus comptait produire aux Etats-Unis dans “un environnement très compétitif, avec un contenu dollar, même si les lignes d’assemblage européennes sont très compétitives”.
L’assemblage d’un avion ne représente que 5% de sa valeur, le reste représente des commandes pour les fournisseurs et les sous-traitants qui montent les différentes sections l’appareil.
M. Brégier a remarqué que son groupe tentait par ailleurs d’obtenir un maximum de contrats de sous-traitance en dollars pour bénéficier de la faiblesse relative du billet vert par rapport à l’euro.
Les dirigeants de l’avionneur européen comptent aussi mettre en avant leur nouvelle “citoyenneté” américaine pour briguer plus de contrats militaires auprès du Pentagone. “Cela ne peut pas faire de mal”, a ironisé l’un des dirigeants du groupe lors de la conférence de presse.
Outre les 600 millions investis par Airbus dans cette unité, les aides de l’Etat de l’Alabama dépassent 100 millions de dollars, ont fait valoir les dirigeants du groupe lors de leur conférence à Mobile. Autre bénéfice pour Airbus, l’Alabama est un des Etats où l’affiliation à un syndicat n’est pas obligatoire.