ésident de la Cour des comptes Didier Migaud, en conférence de presse le 2 juillet 2012 (Photo : Kenzo Tribouillard) |
[02/07/2012 18:54:09] PARIS (AFP) Priée par le gouvernement Ayrault de dresser un audit détaillé des finances publiques, la Cour des comptes l’a pris au mot, l’exhortant à actionner le levier des réductions de dépenses, estimant qu’une hausse de la TVA ou de la CSG sera “difficilement évitable”.
Quitte aussi à prendre l’exécutif à contre-pied, comme sur les effectifs de la fonction publique: le gouvernement s’est engagé à les maintenir globalement à leur niveau actuel mais selon le premier président de la Cour, Didier Migaud, cela reviendrait à bloquer le traitement des fonctionnaires.
Remis lundi au Premier ministre Jean-Marc Ayrault dans sa version définitive, le volumineux rapport de la Cour –250 pages– attire tout particulièrement l’attention du gouvernement sur l’année 2013, jugée “cruciale” pour l’avenir des finances publiques.
Du retour des déficits publics à 3% du produit intérieur brut (PIB) cette année-là dépendra dans une large mesure la possibilité pour le président François Hollande de tenir ou non son pari de ramener les finances publiques à l’équilibre en 2017, à la toute fin de son mandat.
Pour remplir son contrat en 2013, le gouvernement devra franchir une marche particulièrement “haute”, a averti Didier Migaud. Selon les calculs de la Cour et dans l’hypothèse médiane d’une croissance de 1%, il lui faudra dénicher 33 milliards d’économies ou de recettes fiscales supplémentaires.
Effort “nécessaire et réalisable”
L’ancien député socialiste juge cet effort “nécessaire et réalisable” mais au prix d’un “freinage sans précédent des dépenses publiques” et d’une nouvelle hausse d’impôts. Cet effort, relativise-t-il toutefois, serait “de même ampleur” que celui qui avait permis à la France de rejoindre la zone euro en 1997.
ésident de la Cour des comptes Didier Migaud (g) remet son rapport au Premier ministre Jean-Marc Ayrault (d) le 2 juillet 2012 à Matignon (Photo : Kenzo Tribouillard) |
La situation en 2012 s’annonce en revanche sous de meilleurs auspices. La Cour, tout comme le gouvernement, estime autour de 6 à 10 milliards d’euros l’effort nécessaire pour ramener les déficits publics à 4,5% du PIB contre 5,2% en 2011, l’engagement européen de la France.
Les magistrats financiers appellent à “des mesures rapides de correction” mais le gouvernement a anticipé. Il examinera dès mercredi en Conseil des ministres le détail d’un nouveau tour de vis budgétaire.
Ce “collectif” corrigera la loi de finances 2012 avec pour objectif d’imprimer la marque de la nouvelle majorité au dernier budget de l’ère Sarkozy et de faire face à une situation économique dégradée.
Le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a annoncé dimanche que le gouvernement s’apprêtait à abaisser ses prévisions de croissance à 0,4%, au mieux, pour 2012, et entre 1% et 1,3% pour 2013. Jusqu’à présent, il tablait sur 0,5% cette année et 1,7% l’an prochain.
Au détour de son audit, la Cour brise un tabou, celui de la TVA. Le gouvernement socialiste entend abroger la “TVA sociale” chère à Nicolas Sarkozy qui l’avait faite voter in extremis avant de quitter le pouvoir. Mais les “sages de la rue Cambon” estiment cependant qu’une hausse “au moins temporaire” de la TVA ou de la CSG sera “difficilement évitable” en 2013. “Pas de hausse de la TVA”, a répliqué du tac-au-tac le ministre du Budget Jérôme Cahuzac.
La Cour appelle aussi à passer au crible les “dépenses d’interventions” parmi lesquelles figurent de nombreuses aides sociales et à rogner encore les niches fiscales, dont celles favorables à la restauration ou aux investissements dans l’Outre-Mer.
“Héritage”
Elle s’inquiète par ailleurs des effets de deux contentieux fiscaux (dispositif “précompte” et OPCVM – Organismes de placement collectif de valeurs mobilières) qui ont valu à la France d’être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne et qui pourraient peser à hauteur de près de 5 milliards d’euros sur l’exercice 2013 et de 1,75 milliard sur 2014.
Les “sages” donnent en revanche pratiquement quitus au gouvernement de François Fillon pour l’exécution des premiers mois du budget 2012, coupant court au débat sur “l’héritage”. Les “possibles dépassements ne sont pas d’une ampleur exceptionnelle”, observe Didier Migaud, estimant entre 1,2 et 2 milliards les mesures du gouvernement Fillon non financées ou pas suffisamment.
L’ex-ministre UMP du Budget, Valérie Pécresse, y a vu “un satisfecit pour Nicolas Sarkozy”, jugeant en revanche que cet audit était un “sérieux avertissement à François Hollande qui a annoncé 20 milliards” de dépenses nouvelles et “a rendu l’équation budgétaire insoluble”.