Tunisie – Secteur vinicole : Besoin d’appui et d’investissements

vinicole-050712-220.jpgOn n’en parle pas trop, mais c’est un secteur qui possède un grand potentiel de développement. Il s’agit du secteur vinicole. Bien que sa croissance ait été ralentie, ces dernières années, il s’agit d’un secteur qui pourrait attirer d’importants investissements, et donc créer plusieurs postes d’emploi.

Selon Kilani Belhaj, ingénieur principal auprès du Groupement Interprofessionnel des Fruits (GIFruits), il pourvoit environ 700 mille jours de travail par an, soit 70 jours de travail par hectare. Le nombre d’emplois n’est pas au point, mais vu le nombre d’acteurs, il peut atteindre des milliers, compris entre emplois directs et emplois indirects. Actuellement, le secteur compte 2.500 petits agriculteurs, une trentaine de grands agriculteurs, 32 sociétés de mise en valeur agricole, 6 complexes agricoles et 7 unités de production.

Contraintes…

Durant la campagne 2011-2012, le secteur a réalisé une production de 244 mille hectolitres contre 220 mille durant la campagne précédente. Il est à noter que la production a connu des hauts et des bas depuis une vingtaine d’années. En 1956, elle était de 2 millions d’hectolitres, 1,5 million en 1964, 800 mille en 1975 et 550 mille en 1980. Durant les cinq dernières années, la production n’a pas dépassé le seuil des 300 mille hectolitres.

Cette baisse est due à la régression des superficies exploitées. En 2011, le secteur vinicole disposait de 9 mille hectares contre 45 mille en 1956. La régression s’est maintenue depuis pour atteindre 34 mille en 1975, 23 mille en 1980, 15 mille en 2005. Mais elle est due, essentiellement au cours des dernières années, à une diminution des prix à l’échelle internationale, selon M. Belhaj

«Il y avait des craintes, ces dernières années, sur le secteur. Les prix de vente ont diminué, à cause d’une hausse de la production, contre des coûts assez élevés. Si ceci avait continué, les producteurs n’auraient plus la capacité de poursuivre. Heureusement que les prix ont repris leur ascension», explique M. Belhaj

Mutation…

En Tunisie, 53% des superficies sont exploitées par les petits agriculteurs, qui sont assez fragiles aux aléas du marché. Le reste est subdivisé entre les sociétés de mise en valeur agricole (25%), le secteur public (12%) et les grands agriculteurs (10%). Au niveau de la production, les sociétés coopératives accaparent 66%. Les petits agriculteurs satisfont 42% de la production, suivis par les sociétés de mise en valeur agricole (36%), les grands agriculteurs (14%) et le secteur public (8%).

C’est depuis le début des années 1990 que le secteur viticole a subi de profondes mutations. Le renforcement de l’intervention des structures professionnelles et des services d’appui à l’agriculture s’est inscrit dans la logique de dynamisation de la compétitivité par la modernisation tant des modes et moyens d’exploitation que par l’incitation à l’investissement privé.

Le secteur vinicole était géré par l’Office National des Vignes, qui a été remplacé ensuite par le Groupement Interprofessionnel des Vignes (GIV). En 2005, le GIV a été introduit au GIFruits. Selon M. Belhaj, ceci n’a pas profité au secteur, qui bénéficiait d’une attention particulière. L’Office National des Vignes avait un grand rôle dans la promotion du secteur vinicole et dans l’encadrement de ses acteurs. «Auparavant, l’office était chargé de tous les aspects d’organisation et de promotion du secteur, de l’amont à l’aval. Il contrôlait tout le processus. Actuellement, ses missions sont éparpillées entre différents ministères et administrations», précise M. Belhaj.

On compte actuellement 6 sociétés de mise en valeur et de développement agricole dans le cadre du partenariat étranger, et qui sont spécialisées dans la production du raisin de transformation. Selon le GIV, une vingtaine d’unités de transformation sont opérationnelles dans le secteur, dont une quinzaine ont participé au programme national de mise à niveau industriel; 8 appartenant à des coopératives et 4 à des sociétés à partenariat étranger et 3 appartenant à des privés.

Marché local…

La majorité de la production vinicole est destinée au marché local. Durant les cinq dernières années (2007-2011), ce marché a absorbé 250 mille hectolitres contre 215 mille durant la période (2002-2005). En moyenne, le marché local accapare 73% de la production commerciale.

Les sociétés coopératives, à savoir les Vignerons de Carthage (UCCV) et la Coopérative Bouargoub, satisfont 72% de la demande locale. Le reste est satisfait par les sociétés de «ihye2» et les privés. En effet, il y a toujours tendance à satisfaire la demande locale en priorité. Les quantités restantes seront destinées à l’export. Le secteur touristique absorbe à lui seul une moyenne de 90 mille hectolitres par an, soit le tiers de la disponibilité de la production nationale.

Concernant l’export, la Tunisie a exporté une moyenne de 95 mille hectolitres, durant les cinq dernières années. Le recul est assez conséquent. De 109 mille hectolitres exportés en 2008, on est passé à seulement 22 mille en 2011. Ceci est dû essentiellement à un «boom» de la production au niveau international.

On note que 87% des quantités exportées proviennent des la coopérative «Vignerons de Carthage» alors que 13% sont satisfaites par les sociétés de mise en valeur. La majorité du vin exporté est de la classe «Vin de consommation Courante» ou VCC, soit 59%. Les vins AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) représentent 35% des exportations. Environ 6% seulement des quantités sont mises en bouteille. Le reste est exporté en vrac. D’ailleurs, M. Belhaj nous indique que l’objectif est d’encourager l’exportation en bouteille afin de promouvoir le produit tunisien à l’étranger. Les principaux marchés à l’export sont la France, l’Italie et l’Allemagne, mais également la Russie. D’autres marchés font des commandes périodiques de petites quantités, telle que l’Afrique du Sud.

Contrôle…

Il est à préciser que tout un processus de certification est mis en place pour garantir la qualité des vins tunisiens, que ce soit sur le marché local ou à l’export, et répondre ainsi aux exigences et normes internationales. La récolte commence au début du mois d’août de chaque année. En septembre, commence l’opération de vinification qui dure jusqu’à quatre mois. Au mois de novembre, les producteurs procèdent au classement de leurs produits. Des échantillons sont soumis au laboratoire rattaché au GIV.

Une commission de dégustation sera chargée de l’évaluation des produits, selon des critères prédéterminés. Cette commission est composée d’experts et de professionnels du secteur, qui classeront le vin selon trois catégories, à savoir le VCC, l’AOC et l’AOC premier cru (de qualité supérieure). Selon cette catégorisation, sept zones AOC ont été définies, se concentrant essentiellement dans le nord-est de la Tunisie, à savoir l’AOC Mornag, l’AOC Grand cru Mornag, l’AOC Kélibia, l’AOC Sidi Salem, l’AOC Coteaux de Tebourba, l’AOC Coteaux d’Utique et l’AOC Thibar.

Pour le marché local, ce sont les ministères du Commerce et des Finances qui contrôlent les produits. Le premier pour la conformité aux normes, le deuxième pour le respect du classement. Pour l’export, il y a des normes internationales qui doivent être satisfaites pour pouvoir écouler le produit. Le GIV est la seule partie habilitée à donner les certifications nécessaires à l’export.

Gestion de stock…

Concernant la gestion du stock, M. Kilani indique qu’elle est effectuée par une commission conjointe composée du GIV, de la Direction générale de la production agricole (ministère de l’Agriculture), des ministères du Commerce et des Finances. Des visites de terrain sont effectuées depuis le début de l’année et jusqu’au 31 août de chaque année auprès des transformateurs, pour faire un inventaire du stock.

L’ensemble du stock et de la production constitue la quantité disponible pour la campagne commerciale. Une séance de travail s’effectue également, en novembre, réunissant tous les intervenants dans le secteur pour évaluer les besoins du marché et le stock de soudure, qui servira à occuper la période creuse (août et septembre). Au cours de cette séance, seront fixés les besoins pour le marché local et pour le marché à l’export.

D’ailleurs, les vins tunisiens conditionnés ont commencé, ces dernières années, à avoir une notoriété sur les marchés européens, essentiellement français. Une notoriété qui pourra se développer davantage si les moyens sont mis pour l’encouragement à l’investissement et l’appui des acteurs dans le secteur, essentiellement les petits agriculteurs.