C’est la BAD qui s’empare du sujet. Elle a réuni à Tunis un forum continental. C’est que la question de l’électricité solaire est de toute première importance. Peut-on imaginer du développement sans l’apport adéquat en énergie? Difficile à croire. Le décollage économique du continent a buté contre la contrainte d’électrification des campagnes. Cela a empêché que le développement diffuse dans l’étendue de nos territoires. De ce fait, il s’est créé des déséquilibres qui ont empêché l’apparition d’une dynamique d’ensemble laquelle, en faisant défaut, a freiné la transformation de nos sociétés.
Bien entendu, cette affirmation est à relativiser du fait de la disparité entre les pays et les régions. A l’heure actuelle, le problème de l’énergie s’invite au débat avec la même acuité qu’auparavant. Que la BAD s’y investît en réunissant un «Grenelle» continental en dit long sur l’importance du problème. Comment aborder cette problématique et quelle est sa lisibilité?
La priorité au solaire devenu énergie verte
Des études scientifiques ont montré que l’exposition solaire dans de larges bandes du continent offre une occasion précieuse pour optimiser la conversion de l’énergie solaire.
Par ailleurs, la durée de l’exposition solaire est maximale. On serait dans une plage temporelle de près de 3.500 heures par an avec une intensité quasi stable. Et c’est là une nette différence avec l’éolien, trop volatile!
La technologie de conversion du soleil en électricité est sans pollution atmosphérique. L’électricité solaire devient ainsi de l’électricité «verte» purement et simplement puisqu’elle est sans rejet et sans aucune émission. Le soleil acquiert donc une dimension «d’input» miraculeux. Il est gratuit, abondant et génère de la valeur. C’est donc du point de vue de la science un bien économique. Mieux encore, il sert de carburant au développement. Ajouter qu’il préserve l’écosystème et devient, du coup, propre au développement durable. Et, par-dessus tout, il est concentré en des endroits au périmètre limité. Il acquiert, par conséquent, une dimension stratégique. Ce n’est plus un bien ordinaire. Les conditions de son exploitation engagent l’avenir de nos pays.
Le solaire en Afrique
Deux expériences ont été initiées avec le solaire sur le continent. Au Maroc, à Ouerzazate où une centrale est déjà en exploitation. Et un autre en Egypte, en cours de réalisation. La technologie actuelle de transformation du solaire a tous les avantages économiques, sauf un: elle est chère à la production. Le KWH solaire est -dans une fourchette de 20 à 30%, tout dépend des conditions du site d’exploitation- plus cher que l’électricité thermique. Il n’est donc viable du point de vue du coût que si l’Etat le subventionne. C’est notamment le cas au Maroc.
Mais le retour sur investissement, affirment les spécialistes, est dans les retombées économiques alentour. La Centrale de Ouerzazate a donné un remarquable coup de fouet à l’économie de la région. L’emploi a été boosté et un véritable boom est né dans le sillage de cette centrale. Donc, la subvention publique ne s’est pas faite à fonds perdus, précisent les experts.
Cette dynamique environnante est si importante que la Banque mondiale a mis en place une ligne de financement «verte» au bénéfice des pays qui sauteraient le pas. A son tour, la BAD a également mobilisé une enveloppe «verte». Avec les deux réalisations marocaines et égyptiennes, la BAD dispose d’un référentiel pour développer une stratégie continentale sur la question. Elle a bien mobilisé le Haut panel d’économistes pour présenter une plateforme «Investir en Afrique au XXIème siècle». L’urgence d’un élan de croissance dans la situation morose du moment et l’importance de la question, qui peut procurer une rente au continent, plaident pour une telle démarche. L’énergie solaire peut devenir pour le développement du continent cet «or vert» qui nous a tant fait défaut.
La nouvelle problématique de l’électricité à l’export
Instruits de la particularité de cette situation, des pays européens essaient de séduire les pays africains pour les autoriser à produire sur leur sol de l’électricité verte à l’exportation à destination du marché européen. Le deal est tout à fait «néocolonial», on en conviendra. Il est similaire à notre loi «72-38». Le continent commettrait, si c’est le cas, un acte d’auto-sabotage. Le cadre «72-38», même s’il nous a momentanément soulagéss, n’a pas été, au bout du compte, un acte d’affranchissement économique. Il ne nous a pas fait transférer de la technologie. Et, sur le registre de l’emploi, ses résultats sont modestes.
Si on reproduit le même schéma pour le solaire, nous serons très pénalisés. D’abord, si l’espace est cédé à des tiers producteurs étrangers, il n’en restera pas pour les éventuels opérateurs locaux. Quand des tiers étrangers s’installent, ils prendront le marché européen. A qui vendrons-nous plus tard?
Il faut se dire que l’Europe est le seul client potentiel. Il ne faut pas qu’on noue en privé. La proximité géographique fait que la déperdition d’énergie est minimale. Ajouter à cela que l’Europe accepte, pour les raisons de quotas de CO2, de payer l’électricité verte plus cher. Si on autorisait l’exportation de l’électricité verte, on se ferait beaucoup de tort.
On a souvent dit que l’Afrique est mal partie. En l’occurrence, elle aura été sacrifiée. La BAD saura-t-elle protéger l’avenir énergétique du Continent? Elle a les moyens de sensibiliser les politiques à l’urgence de la question. D’un simple Grenelle de l’énergie solaire vers un sommet continental, il n’y qu’un pas que la BAD est en devoir d’accomplir.