«Je
n’ai rien contre le fait d’être révoqué, si ce n’est d’en connaître les raisons.
Aujourd’hui, la décision appartient à la Constituante à laquelle il revient de
trancher, et nous sommes prêts en tant que
BCT à fournir aux représentants du
peuple toutes les informations ou les explications nécessaires; nos dossiers
sont à la disposition de tout le monde et nous invitons les membres de la
Constituante à visiter la Banque centrale.
Quant au président de la République, je n’ai pas eu l’occasion de le connaître à
ce jour. A chaque fois que, suivant la loi, nous sollicitons une entrevue avec
lui, pour lui soumettre le rapport périodique de la
BCT , on nous oppose une fin
de non recevoir». C’est l’une des déclarations de Mustapha Kamel Nabli,
gouverneur de la Banque centrale lors d’une conférence de presse organisée
vendredi 6 juillet.
M. Nabli n’a pas cessé d’insister sur l’importance de préserver, de respecter et
d’accorder l’importance qui leur est due aux institutions de l’Etat. «Nous
traitons avec des institutions et non avec des personnes et nous voudrions qu’il
en soit de même entre nous et nos vis-à-vis, quels qu’ils soient».
Le rôle de la
BCT est de veiller aux équilibres financiers et économiques du
pays, travailler sur sa stabilité et sur la préservation de son image de marque
à l’international.
Quant aux relations du gouverneur avec le chef du gouvernement, Nabli les estime
courtoises. Des entretiens constructifs ont été tenus avec Hamadi Jebali, dans
la franchise et la transparence. «Ceux qui pensent que la Banque centrale veut
mettre des bâtons dans les roues du gouvernement se trompent lourdement.
L’accusation est grave et je n’hésiterai pas à déposer des plaintes en
diffamation à l’encontre de tous ceux qui ont osé l’émettre».
Les investisseurs et les bailleurs de fonds étrangers ont la Tunisie à l’œil, sa
stabilité, la cohérence de ses politiques, les positions de ses gouvernants sont
importantes. C’est à travers la cohésion de ses politiques et l’harmonie de ses
institutions que l’on remarque la stabilité d’un pays, que l’on voit sa
crédibilité et qu’on lui accorde sa confiance, estime MKN qui précise aux
journalistes: «A tous ceux qui nous accusent de ne pas assurer dans la lutte
contre la corruption, nous annonçons que nous ne sommes pas une justice
parallèle, nous ne sommes pas chargés de prendre des décisions à la place des
responsables des banques ou de faire l’assainissement à leur place. Notre rôle
est de veiller au respect des règles et des législations par les institutions
bancaires, de surveiller et contrôler le marché financier et assurer l’équilibre
économique du pays. Nous voulons rassurer nos partenaires étrangers de notre
respect des institutions et des prérogatives de tout et de chacun. L’autonomie
de la
BCT est un signal fort que nous envoyons aux autres».
Cette autonomie que l’on semble reprocher avec véhémence au gouverneur de la
BCT
a été pourtant dûment négociée avec les gouvernements postrévolutionnaires
successifs qui ne l’ont jamais remise en cause. L’interventionnisme de l’Etat
dans les affaires de la
BCT peut avoir des conséquences néfastes sur le secteur
financier et les équilibres économiques du pays.
Concernant les financements prétendument occultes et des fonds qui auraient été
envoyés de l’étranger à l’intention de certains partis politiques, le gouverneur
a répondu que c’est à la Cour des Comptes de trancher à ce propos, tout comme il
a tenu à préciser, sur un tout autre volet, que ses relations amicales avec
Kamel Eltaief, homme d’affaires, réputé pour «être trop présent sur la scène
politique tunisienne», ne concernent que lui et qu’elles n’ont jamais affecté sa
mission en tant que gouverneur ou influé sur les politiques ou les programmes de
la
BCT ou ses relations avec qui que ce soit.
La conférence de presse dont le but était d’éclaircir la position du gouverneur
de la
BCT face à la cacophonie du gouvernement et de la présidence de la
République quant à son maintien ou sa révocation de son poste, dont le mandat,
rappelons-le, est de 6 ans, a suscité encore plus leur appréhension que de
rassurer les médias sur ce qui se passe sur la scène politico-économique en
Tunisie.
Car est-il possible que, dans notre pays, aujourd’hui, on limoge un gouverneur
de la Banque centrale, sans citer des raisons convaincantes expliquant la
décision en question? Une décision non argumentée, non justifiée, non expliquée
prise par
Moncef Marzouki, président provisoire de la République qui use de
l’une de ses rares prérogatives comme pour prouver qu’il peut en avoir…
A-t-il pesé le pour et le contre d’une telle décision alors que la notation
souveraine de la Tunisie risque de s’en ressentir et pendant que l’agence de
rating Moody’s effectuait une mission dans notre pays?
S’agirait-il tout juste d’une antipathie personnelle, une incompatibilité de
caractère qui expliquerait cette aversion pour le gouverneur actuel de la
BCT?
Ou simplement un divorce par caprice perpétré par la plus haute instance du
pays?
Espérons que les discussions qui se tiendront au sein de l’assemblée
constituante apporteront l’éclairage nécessaire à l’affaire Marzouki-Nabli.