Tunisie : Quel mobile à la confusion institutionnelle !

Oh
le cafouillage! Le «Tricéphalisme» s’emmêle les pieds. Trop de discours à la
fois. On ne sait plus où donner de la tête. Comme le dit la sagesse populaire, à
«trop multiplier les chefs, la barque finit par prendre l’eau». Gare au
naufrage.

C’est un vrai déluge de déclarations qui s’abat sur le pays. Nous avons été
anesthésiés pendant cinq décennies avec un seul et unique discours officiel.
Nous passons d’une situation de silence radio total à une cacophonie
généralisée. Nous sommes déroutés. Trop de discours! Cela nous éloigne des
vraies priorités nationales. Trop c’est trop. Il convient «d’arrêter les frais».
Chahuter la transition, c’est propice à tous les risques sur le modèle à naître!
Soyons vigilants.

Le «trop plein», c’est malsain pour la démocratie

C’est un déluge de déclarations publiques et officielles qui s’abat sur
l’opinion publique. Vendredi 6 juillet, le président de la République et son
autre duelliste, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, qui s’escriment
sur le même sujet. Le président s’acharnant à démontrer qu’il ne fait pas de
fixation personnelle sur le personnage. Après avoir pompeusement annoncé qu’il
le congédiait, voilà qu’il revient devant l’opinion pour rappeler qu’il entend
simplement se séparer de lui. Mais où est donc SIGMA Conseil. C’est maintenant
qu’il faut sonder les citoyens. Le bon peuple que nous sommes ne comprend pas
cette différence sémantique. Le gouverneur remet l’affaire sur le tapis pour
expliquer, en vrai dur, celui qu’on ne peut pas virer d’un trait de plume qu’il
relève les taux, parce que la situation l’exige. C’est déjà plus clair. Nous ne
prenons parti ni pour l’un ni pour l’autre. Mais voilà, enfin, le débat à son
vrai niveau. Les taux bas auraient été plus commodes car l’état s’endetterait à
moindre frais. Mais le coût de la dette, c’est l’affaire du gouvernement. Est-ce
au président de la République de s’en émouvoir? Et puis la veille, Cheikh
Rached
Ghannouchi
nous explique sur le plateau de «Watanyia 2» que Mediapart a tout
faux. Mais de quoi donc?

Les pouvoirs occultes et les «princes des ténèbres»

Notre confrère français avançait que Cheikh Rached Ghannouchi décidait de tout
dans le pays. Le chef historique du parti
Ennahdha dément. Tout un chacun à sa
place aurait été heureux d’être le «manitou» du pays. Pourquoi cette distance à
l’égard d’une position si flatteuse? Brouiller les pistes, ou tout simplement
faire fi de l’intelligence du peuple?

Nous nous positionnons bien souvent en décrypteur de l’actualité politique. Si
donc Cheikh Ghannouchi dit vrai, cela veut bien dire qu’à l’issue du congrès, il
rendrait le tablier. Comment imaginer le président d’Ennahdha, le «grand
timonier», quitter la barre alors qu’en face BCE s’apprête à se mettre à la
manœuvre.

C’est vrai qu’il est toujours incommodant de se déjuger mais une vacance à la
tête d’Ennahdha, c’est la garantie d’un combat fratricide entre les chefs des
courants au sein de cette formation politique. Qui pourra faire peser l’option
inamovible pour le parlementarisme du parti quand le moment sera arrivé pour
l’adopter dans le texte de la Constitution.

Le parlementarisme c’est la garantie pour le parti de loger à l’Assemblée
future, si toutefois élections il y a, l’agenda électoral, n’étant pas encore
sorti de ses limbes, toutes les options restent ouvertes. Ennahdha, dominant à
l’Assemblée, tiendra le rôle clé dans toute formation majoritaire. Et on l’a vu
à l’œuvre. Dans une coalition, elle sait laminer ses partenaires et garder pour
elle le pouvoir de décision. Et c’est bien de cela qu’il est question.

On a vu ce même vendredi le président de la République interférer dans l’agenda
électoral. Mais le bon peuple n’est pas dupe. Son opinion est faite. Il voit une
Assemblée très jalouse de ses prérogatives et qui décide d’un congé estival du 6
au 26 août. Alors on est en face d’un collège d’élus, sorti des convulsions de
la Révolution et qui s’essouffle très vite. Ces mêmes élus, sortis des urnes par
la volonté de gens qui, pendant vingt jours, verront leurs priorités suspendues
au désir des constituants de recharger leurs batteries.

Allez, on va dire «vacances légitimes»! On peut les comprendre, ils sont trop
pris à parti par une opinion de plus en plus désabusée. Mais quels sont les
enjeux, en réalité?

Un strict agenda national: compris?

L’ouverture des frontières, nous y voilà. Comment expliquer que ce lyrisme
politique ne «mange pas de pain». On a déjà fait les frais de l’ouverture avec
l’OMC et puis avec l’UE. Afif Chelbi, ministre de l’Industrie, a fait les
comptes en 2008. C’est à peine 1% de
PIB, après tant d’années. Ajouter les
risques d’importation des crises. Faites le bilan. Les pertes sont sans rapport
avec les «si bons effets en retour».

Le budget a bien souffert quand il s’agissait de dédommager les non résidents
des retombées de la crise financière. On en garde les stigmates encore
aujourd’hui dans notre déficit public. Sadok Rabah, ministre de l’Economie en
1994, disait en substance, «en ouvrant son marché, la Tunisie disposerait de
tous les autres marchés du monde». En bout de course, on s’aperçoit qu’on nous a
fait marcher. Les centres d’appels, c’était un petit dépannage temporaire. Et
voilà nos bienfaiteurs reprennent leurs billes. A présent, on veut remettre çà.
On vient nous expliquer qu’en étant magnanime avec nos voisins, on va faire
exploser les objectifs pour le Maghreb. «Y en a marre je vous jure…»,
s’exclament les Parisiens de dépit quand ils veulent rester polis.

Quand on a un mandat politique national, on inscrit son action politique dans le
strict périmètre national. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Charité bien
ordonnée commence par soi-même. Tout autre choix ne serait bien «catholique»,
disait Marotte, dans les précieuses ridicules de Molière.

Mettons de l’ordre dans notre maison, sinon le vaudeville que nous vivons
actuellement tournerait à la série noire. Trop de «Boulitique», c’est nuisible.
Cela ne laisse pas de temps pour le travail. Or c’est de cela dont nous avons
besoin aujourd’hui. Les actes, bon Dieu, c’est tout ce qu’on demande. Nous avons
huit cent mille chômeurs sur les bras plus toute la moisson de la saison
universitaire qui vient de se terminer. On ne nourrit pas les gens avec des
paroles et une course effrénée au pouvoir.

Faut-il une autre explosion sociale pour établir cette vérité?