Différer les soldes d’été, c’est perpétuer la morosité ambiante et empêcher le commerce de rebondir. Du point de vue des affaires, c’est anti économique. Il faut solder la question et lancer l’opération.
Ah, si j’étais commerçant, j’aurais été plus réactif que la majorité de nos commerçants. Dans la profession, on est attentif à l’actualité. Le commerce ne va pas fort, on ne vous apprend rien. La consommation intérieure est raplapala. Les gens font attention, à leurs achats. La demande intérieure n’est pas à son zénith. Les rayons des magasins, pas du tout dégarnis, sont là pour l’attester. Faut-il rester les bras croisés? La solution ne serait-elle pas d’avancer la date des soldes par rapport à son calendrier habituel?
L’effet de ciseaux des deux budgets de dépenses
On voit bien que 2012 n’est pas une année faste. Les choses reprennent lentement, mais peut-être pas sûrement. Les consommateurs sont sur le qui-vive. Alors la consommation intérieure marque le pas. Le reflexe d’économie prime sur celui de la prodigalité. On est bien en pleine saison estivale mais nous continuons à nous comporter plus en fourmi qu’en cigale. Les «caddies» ne débordent pas et les gens achètent «malin».
Jamais de ma vie je n’ai vu ma boîte aux lettres regorger d’autant de catalogues promotionnels. Alors on «deale» avec les grandes surfaces pour acheter là où c’est le moins cher.
Comprenez que la situation est bien spéciale. Les vacances arrivent. Leur budget, sans point s’attarder sur la question, est un véritable fardeau. Et c’est un épisode incontournable. Les enfants sont lessivés. Les parents également. Les uns et les autres ont besoin de se refaire une santé. L’ennui est que les ménages n’auront pas le temps de souffler que Ramadan sera là. Il n’y a pas de doute. Pendant le mois saint, il faut bourse délier.
En Tunisie, nous avons fait de ce mois un épisode rabelaisien, pour le bonheur de nos palais. On ne changera pas les Tunisiens en un jour. Ramadhan, ne l’oublions pas, finit en apothéose. Il faudra, en plus du budget de table, improviser un budget complémentaire pour l’Aïd, à répartir entre trousseau des enfants et pâtisseries. Les ménages seront donc pris entre les effets de ciseaux de deux grands moments de dépenses.
Si, donc, on n’intercale pas les soldes, entre ces deux grands événements, les ménages seront dégarnis.
L’ODC et l’UTICA, absentes du débat
Faut-il que ce soit à nous, pauvres consommateurs déplumés, de nous brûler les méninges à la place des commerçants et de leurs représentants? Comment expliquer que l’Organisation de la défense des consommateurs (ODC) ne se manifeste pas pour réclamer la survenue des soldes? Les soldes, c’est du pouvoir d’achat. Rater une occasion de disposer d’un supplément de pouvoir d’achat c’est une façon de se laisser «abuser». L’explication est un peu limite, nous en convenons. Mais donner un coup de pouce aux ménages, ça fait l’affaire de tous.
L’UTICA, si elle s’était dotée d’un service de conjoncture, aurait bien détecté cette opportunité pour décaler la date des soldes d’été. Les ménages sont dans le pétrin. Nos «emplettes sont nos emplois», d’accord. Mais si on me force à acheter chinois, il ne faut pas me blâmer, par la suite.
Les arbitrages budgétaires sont très douloureux. Nous l’éprouvons à chaque changement de saison, particulièrement l’été. Le quart chaud nous fait suffoquer. Traditionnellement, on le saluait comme étant la saison par excellence, des démunis. C’est vrai que l’on porte moins de vêtements. Mais compter tout ce qu’on investit en équipements ménagers pour se protéger de la chaleur. La misère, chantait Charles Aznavour, est moins pénible au soleil. Mais ça, c’était avant. Je vous invite à un simple calcul. Faites les comptes pour voir ce qu’il faut dépenser pour se protéger la peau, les yeux et le «chef» des méfaits du soleil! Et vous verrez que ce n’est pas si bon marché de se faire une place au soleil.
Alors de grâce, sans plus attendre, mettez les soldes en marche. Sans quoi les commerçants seront sinistrés et leurs comptes à l’arrêt. S’ils ratent l’intersaison, ils vont se retrouver avec plein de rossignoles l’automne. N’ayant pas régénéré leur trésorerie, avec quoi vont-ils payer leur collection d’automne/hiver? On y a pensé pour eux. Les soldes ça mange les marges. C’est vu. Mais en commerçants bien avisés, mieux vaut des marges réduites que des invendus sur les bras. C’est «win-win». C’est, oui?