Les marques de luxe chinoises veulent redorer le blason du “made in China”

[10/07/2012 06:21:46] PEKIN (AFP) Longtemps, la styliste Guo Pei a puisé dans ses voyages à l’étranger son inspiration pour ses collections de vêtements de luxe. Cette année pour la première fois, elle a décidé de se concentrer uniquement sur l’héritage culturel chinois.

Cette pétillante femme de 44 ans fait partie des Chinois de plus en plus nombreux qui s’inspirent de leur patrimoine séculaire pour redorer le blason du “made in China”.

“Après 2008”, l’année des jeux Olympiques de Pékin “j’ai réalisé à quel point j’étais fière d’être Chinoise. C’est ce que je veux exprimer dans ma dernière collection en parlant de mon pays, de sa culture, de ses habitants”, a déclaré Guo à l’AFP, vêtue d’une robe blanche en organza.

Depuis 30 ans, la Chine est devenue l’atelier du monde, ses milliers d’usines produisant en masse des articles peu onéreux pour le marché mondial.

Désormais pourtant, un nombre croissant de sociétés veulent créer des marques de luxe autochtones et convaincre les Chinois les plus fortunés de tourner le dos aux vêtements Chanel et au vin de Bordeaux, à leur profit.

De 15 à 20 marques sont déjà présentes sur ce créneau — des fabricants de montres, de bijoux, de cosmétiques, de vêtements ou encore de spiritueux — et cherchent à percer sur ce qui est en passe de devenir le premier marché mondial du luxe.

Les marques Wenjun, Moutai, NE Tiger ou Herborist se vantent d’adapter des techniques ou des matériaux anciens pour répondre au goût des consommateurs chinois d’aujourd’hui.

Herborist utilise ainsi des herbes et des procédés traditionnels chinois pour fabriquer des produits de beauté haut de gamme. Son chiffre d’affaires annuel atteint 300 millions de dollars et la marque est présente dans 900 grands magasins à travers la Chine.

Cette société a aussi commencé son expansion à l’étranger grâce à une diffusion à travers la chaîne Sephora.

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ée du Studio Rose de la styliste Guo Pei, à Pékin, le 23 mai 2012 (Photo : Ed Jones)

Moutai, un alcool à base de sorgho, a également cherché à se donner une image de plus en plus raffinée avec des bouteilles de collection dont les prix ont atteint jusqu’à 1,45 million de yuans (185.000 euros) lors de ventes aux enchères.

La collection 2012 de Guo Pei tire son inspiration des traditions populaires chinoises, avec des robes rouges et or couvertes d’écailles pour célébrer l’année du Dragon, tandis que d’autres vêtements arborent des manches et des ourlets brodés main.

NE Tiger cherche pour sa part à réinventer la robe traditionnelle chinoise. Pour cela, sa fondatrice Zhang Zhijun s’est rendue dans des villages reculés afin d’y rassembler des techniques menacées d’extinction comme les broderies Yun, un assemblage de fils d’or tissés dans la robe.

La Chine synonyme de qualité

“Durant des milliers d’années, le +made in China+ a été synonyme d’une qualité et d’un savoir-faire inégalés”, selon Pascal Armoudom, consultant chez ATKearney et auteur d’un récent rapport sur le sujet.

“Cela a changé au XXe siècle lorsque la Chine s’est engagée sur une autre voie. La quantité et les économies d’échelle régnaient en maîtres. En retour, le savoir-faire et la qualité des matériaux souffraient”.

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à Pékin, le 23 mai 2012 (Photo : Ed Jones)

Aujourd’hui, “avec une économie à nouveau en plein boom, les hommes d’affaires chinois font revivre et remettent sur le marché des siècles de savoir-faire pour créer une nouvelle génération de marques de luxe”, explique encore M. Armoudom.

Selon le cabinet de consultants McKinsey, le marché du luxe en Chine va passer de 10 milliards de dollars actuellement à 27 milliards de dollars en 2015, soit 20% du marché mondial à cette date.

“Il y a un énorme potentiel pour les marques qui peuvent profiter de la fierté et du patriotisme” des Chinois, assure Chloe Reuter, gérante de ReuterPR, une agence de communication spécialisée dans le luxe en Chine.

“Il existe une nouvelle classe de clients sophistiqués qui cherchent quelque chose de différent. Ils ne veulent pas du côté bling-bling de certaines marques occidentales”, selon elle.

Le luxe autochtone n’occupe toutefois encore que 5% du marché à l’heure actuelle et souffre d’un manque de notoriété.

“Pour beaucoup de Chinois, leur pays est encore synonyme de mauvaise qualité. Et face au choix entre une marque locale et une marque étrangère, beaucoup de consommateurs n’hésitent pas”, selon M. Armoudom.

“Nous pensons que le tournant viendra de la nouvelle génération – née dans les années 1980 et après – qui a été plus exposée à des produits chinois de meilleure qualité”.