épare du thé dans une échoppe de la vieille de New-Delhi, en Inde, le 19 juin 2012 (Photo : Sajjad Hussain) |
[10/07/2012 06:29:00] NEW DELHI (AFP) Ram Singh, 17 ans, ne gagne qu’un dollar par jour avec les cent tasses de thé qu’il vend devant la gare de New Delhi, mais tous les soirs, après avoir remballé ses affaires, il passe à la banque déposer près de la moitié de son maigre revenu.
Le jeune homme possède un compte dans une banque spéciale, créée pour les enfants des rues en Inde — et en partie gérée par eux — qui veut garder en sécurité ces sous âprement gagnés. Et instiller l’idée que, quel que soit l’argent qu’on gagne, il faut l’épargner.
Ram, l’un des millions d’enfants des rues employés à des basses besognes pour survivre, se dit déterminé à ce que son travail lui rapporte un capital lui permettant de créer une entreprise.
“Je suis futé, mais cela ne suffit pas à monter une affaire. Je mets de l’argent de côté tous les jours pour me lancer tout seul. Un jour bientôt”, lance le jeune homme tout en servant des tasses de “chai”, du thé au lait aux épices, sous une chaleur torride dans la gare grouillante de monde.
La banque, Children’s Development Khazana (Coffre au trésor, en hindi), a ouvert ses premiers bureaux à New Delhi en 2001, avant de se développer dans tout le pays et même à l’étranger. Elle compte aujourd’hui 300 branches en Inde, au Népal, au Bangladesh, en Afghanistan, au Sri Lanka et au Kirghizstan.
New Delhi en compte 12 pour un total de 1.000 “clients”, âgés de 9 à 17 ans.
à New Delhi, le 19 juin 2012 (Photo : Sajjad Hussain) |
Par et pour les enfants
Les guichets sont installés dans des centres d’hébergement où les enfants peuvent dormir, manger gratuitement et suivre des cours comme à l’école.
Les branches sont essentiellement gérées par et pour des enfants: tous les six mois, les “clients” titulaires d’un compte élisent parmi eux deux responsables bénévoles.
“Les enfants qui gagnent de l’argent en mendiant ou en vendant de la drogue ne sont pas autorisés à ouvrir un compte. Cette banque n’est ouverte qu’à ceux qui croient au dur labeur”, explique Karan, 14 ans, l’un des responsables.
Pendant la journée, Karan gagne sa pitance en faisant la plonge lors de mariages ou de fêtes. Le soir, il s’asseoit derrière un guichet pour collecter l’argent des clients et actualiser leurs comptes.
“Certains titulaires veulent retirer leur argent. Je leur demande pourquoi et le leur rends si les autres enfants sont d’accord. L’épargne de chacun est rémunérée à hauteur de 5%”, détaille l’adolescent.
à New Delhi, le 19 juin 2012 (Photo : Sajjad Hussain) |
Un adulte, membre du personnel, est toujours présent lors de la réception de l’argent après chaque journée de travail. C’est lui qui dépose ensuite l’épargne collectée dans une banque publique “normale” qui les rémunérera avec un taux d’intérêt.
Pour Sharon Jacob, qui travaille dans l’association caritative Butterflies (butterflieschildrights.org/developmentBank.php), à l’origine de l’initiative, l’idée est de faire prendre conscience aux enfants qu’ils peuvent agir sur leur avenir.
“Ils travaillent dans des magasins comme camelots ou portiers mais ils n’ont jamais eu de lieu sûr où placer leur argent. Ils étaient toujours escroqués ou se faisaient voler”, souligne-t-elle.
“Maintenant, ils peuvent placer leur argent en toute sécurité et ils apprennent comment gérer leurs finances, tenir un budget. On leur apprend aussi le fonctionnement de la démocratie”, détaille-t-elle.
Le travail des mineurs est officiellement illégal en Inde mais des millions de garçons et de filles n’ont d’autre choix pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Beaucoup ont quitté leur campagne, fuyant la pauvreté ou des familles violentes, pour trouver du travail dans les grandes villes.
“J’ai fui la maison à 11 ans parce que mon père m’avait battu pour avoir volé un appareil ménager”, confie Samir, 14 ans, employé dans un “sweatshop”, un atelier où la main d’oeuvre est exploitée. “Pendant des jours, j’ai dormi sur un quai de gare. J’ai été battu par la police, harcelé par des dealers. Je voulais rentrer chez moi mais j’avais honte”.
Aujourd’hui, Samir possède un compte dans la banque et vient dormir dans l’un des centres d’hébergement de New Delhi.
“En sept mois, j’ai épargné 4.000 roupies (70 dollars). Ca fait du bien d’avoir un peu d’argent. Je vais acheter une chemise et une montre pour mon père et les lui envoyer pour m’excuser. Il va peut-être me pardonner et me demander de revenir à la maison”, espère-t-il.