Le congrès du parti Ennahdha se tiendra, du 12 au 15 juillet 2012, à Tunis, avec la participation de 1.200 congressistes environ et de personnalités de la mouvance internationale islamiste radicale, dont Khaled Mechaâl (chef du bureau politique du mouvement de résistance islamique palestinien Hamas).
Ce congrès ne manque pas d’enjeux dans la mesure où il risque soit de se limiter à l’émotionnel et au festif (besoin légitime de célébrer l’accès au pouvoir après des années d’exil), soit de révéler les objectifs géostratégiques extranationaux de ce mouvement lequel, il faut hélas le dire, n’a jamais été, jusque-là, d’aucun apport pour la Tunisie. Gros plan sur ce rendez-vous intégriste.
Du côté d’Ennahdha, selon la tête pensante qui a été choisie pour veiller aux préparatifs de ce congrès, en l’occurrence Riadh Chaaibi, président du comité d’organisation du prochain congrès du parti Ennahdha, «l’objectif majeur de ce congrès est de faire en sorte que ce rendez-vous politique consacre la rupture définitive avec le passé et qu’il constitue une étape privilégiée sur la voie de la consolidation du processus démocratique dans le pays».
Autre objectif cité par Riadh Chaaibi, «celui d’élargir la Troïka et de la faire évoluer d’une coalition de conjoncture à une alliance stratégique».
Pour le reste des thèmes à débattre, Riadh Chaaibi a évoqué deux dossiers: la réflexion sur le système politique souhaité (parlementaire, présidentiel, mixte…), et la restructuration interne du parti Ennahdha.
Viennent ensuite les motions, qui seront au nombre de quatre: la motion générale (références intellectuelles et politiques du parti Ennahdha, choix stratégiques, modèle du pouvoir et projet sociétal…), la motion politique (choix politiques et économiques, l’approche du parti de la société civile, syndicats, médias, et autres), la motion sociale (réforme de l’enseignement, la question religieuse, le phénomène salafiste, la femme, la jeunesse…), la dernière motion concerne la vie interne du parti (restructuration, nouveaux statuts et règlement intérieur).
Du côté de certains observateurs, fins connaisseurs du parti Ennahdha, la tendance sera à l’exorcisation des frustrations, à la prédominance des festivités et au droit de jouir des victoires remportées depuis l’avènement de la révolution du 14 janvier 2011 (reconnaissance du parti et accès au pouvoir).
Abdelfettah Mourou, figure de proue de la mouvance islamique modérée en Tunisie et un des principaux fondateurs du mouvement Ennahdha, estime que le prochain congrès d’Ennahdha sera plus «festif» qu’«évaluatif».
De nouvelles alliances en vue
Le risque de voir le congrès dégager de nouvelles alliances stratégiques internes et extranationales n’est pas exclu.
Au plan interne, si on croit Riadh Chaaibi, le congrès se penchera sur l’élargissement de l’assise de la Troïka. Néanmoins, il n’a pas évoqué les parties avec lesquelles Ennahdha compte s’associer.
Dans une contribution fort instructive publiée dans le quotidien «El Maghrib» (livraison du dimanche 8 juillet 2012), l’analyste Abdelfettah Jedidi craint qu’Ennahdha s’allie avec d’autres partis et associations d’obédience islamique pour édifier, à moyen terme, un «Etat religieux» sous couvert de ce qu’il appelle «la démocratie Halel» dont Hamadi Jebali se réclame lorsqu’il dit «la démocratie c’est ma Chariaâ».
Au plan externe, pour certains analystes, l’extradition de Mahmoudi Baghdadi vers la Libye aurait des relents plus géostratégiques que pécuniaires, voire «unionistes», entre les «Frères musulmans libyens» et les nahdhaouis. Ces analystes se basent sur les récentes révélations de Said Ferjani, membre du bureau politique d’Ennahdha et «bras financier du parti» qui avait révélé, à la chaîne de télévision «Ettounsia», que des parents à Baghdadi avaient proposé plus de 2 milliards de dollars au gouvernement tunisien contre sa libération, minimisant, du coup, la fameuse transaction de 100 millions de dollars qui aurait été conclue entre les gouvernements tunisien et libyen en place.
Plusieurs facteurs et éléments d’information militent en faveur de ce rapprochement entre les «Frères musulmans» d’Afrique du Nord. Parmi ceux-ci, figurent en bonne place l’élection d’un Frère musulman à la présidence en Egypte, l’invitation par les nahdhaouis de hautes personnalités de Hamas (Mechaal et Ismail Hanieh), l’assistance apportée par la Libye et des djihadistes tunisiens aux Frères musulmans syriens) et la tendance du gouvernement tunisien à ouvrir les frontières du pays aux Maghrébins.
Ce scénario d’une nouvelle islamisation de l’Afrique du Nord et d’une nouvelle Ghazoua (conquête) du Maghreb arabe ne serait pas du goût ni de l’Algérie qui craint d’être encerclée par des régimes d’obédience salafiste djihadiste et par Israël qui voit dans le rapprochement avec Hamas et les Frères musulmans syriens, des indices d’hostilité latente peu rassurants pour sa sécurité.
Selon nos informations, des centaines d’agents de renseignement algériens et israéliens seraient déjà en Tunisie pour suivre de près l’évolution de ces alliances new look.
Dans cette optique, les récentes révélations d’Abderraouf Ayadi, fondateur du parti «Wafa» trouvent leur pleine justification.
Il a déclaré, à Radio Express Fm, que «la dégénérescence que connaît, actuellement, l’Etat tunisien en raison du très mauvais rendement de la Troïka et surtout des dérapages diplomatiques, risque de susciter les convoitises de pays voisins (Algérie), d’Israël (la Mossad qui serait déjà sur le terrain) et de grandes puissances enclines à imposer un régime conforme à leurs orientations».
Sans commentaire.