écembre 2011 à Paris (Photo : Eric Piermont) |
[13/07/2012 15:33:25] PARIS (AFP) Perçues auparavant comme de véritables oracles, les agences de notation semblent avoir moins de poids sur les marchés financiers: ils ne réagissent plus aussi violemment à leurs décisions, très prévisibles à leurs yeux.
A l’été 2011, l’annonce de la dégradation de la note triple A des Etats-Unis, la meilleure possible, avait fait trembler la planète financière et provoquée l’ire des responsables politiques. Tout comme les annonces similaires sur la Grèce, le Portugal ou l’Irlande, sous perfusion internationale.
Aujourd’hui, “les agences de notation ne dictent plus aux marchés la direction à suivre”, estime Laurence Boone, chef économiste pour l’Europe chez Bank of America-Merrill Lynch.
Moody’s a ainsi relégué jeudi la note de l’Italie à deux crans de la catégorie dite “spéculative”, estimant que ce pays présente un risque accru de défaut pour l’investisseur, sans que les marchés ne s’en émeuvent.
Quelques heures après cette décision, Rome a réussi à emprunter 5,25 milliards d’euros. La principale émission, qui portait sur 3,5 milliards, a même été un franc succès et s’est faite à des taux en baisse.
Sur le marché obligataire, où s’échangent les titres de dette déjà émis par les Etats, les rendements italiens à 10 ans, après être brièvement repassés au-dessus des 6%, sont très vite retombés à leur niveau de la veille.
Fin juin, la dégradation par Moody’s de 28 banques espagnoles du fait de leur forte exposition à des crédits immobiliers douteux n’avait pas davantage perturbé les investisseurs.
“Le statut des agences a changé depuis l’année dernière: elles ne donnent plus le +la+ au monde de la finance mais valident le plus souvent un sentiment partagé depuis longtemps par les opérateurs et déjà intégré dans les cours de Bourse ou les taux d’emprunt de tel ou tel pays”, renchérit Philippe Waechter, directeur des études économiques chez Natixis AM.
s (Photo : Joel Saget) |
Contrairement à l’année dernière, “on a aussi pris pleinement conscience des difficultés de l’Espagne et de l’Italie. L’effet de surprise a disparu”, ajoute-t-il.
Rome et Madrid sont officiellement entrées en récession entre la fin 2011 et le premier trimestre 2012.
Pour Frederik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole CIB, “la structure même du marché a changé par rapport à l’année dernière”.
“Les investisseurs étrangers se sont nettement désengagés de la dette italienne ou espagnole. Les banques nationales ont en partie pris le relais. Or les dégradations de note affectent moins les investisseurs domestiques qui restent davantage fidèles à la dette de leur pays”, explique-t-il.
Tout est aussi une question de réactivité aux yeux des analystes.
“La prise de décision au sein d’une agence d’évaluation suit un processus long et complexe alors que le marché réagit immédiatement à la moindre annonce de tel ou tel responsable européen et ajuste les cours en conséquence”, explique Gilles Möec, chef économiste à la Deutsche Bank.
Leur influence sur les investisseurs institutionnels (fonds de pension, banques centrales…) est toutefois loin d’avoir disparu.
Ces derniers sont en effet obligés de détenir dans leur portefeuille des actifs notés “triple A” et doivent, à l’inverse, se débarrasser des plus risqués.
A ce titre, “les agences de notation pourraient très rapidement affoler à nouveau les places financières si elles décident de placer l’Espagne ou l’Italie en catégorie spéculative”, avertit M. Ducrozet.
“De nombreux investisseurs ne pourraient plus acheter leurs titres de dette et les taux d’intérêt s’envoleraient”, explique-t-il.
Catalogués comme “spéculatifs”, la Grèce et le Portugal ont vu rapidement leurs taux d’emprunt bondir sur le marché obligataire pour atteindre actuellement, sur du dix ans, respectivement 25% et 10%.