Malgré les incitations de la BCE, les banques rechignent encore à se prêter

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éenne devant le siège de la Banque centrale européenne le 7 avril 2011 à Francfort (Photo : Daniel Roland)

[13/07/2012 18:34:49] PARIS (AFP) En arrêtant de rémunérer les dépôts des banques depuis mercredi, la Banque centrale européenne voulait les inciter à se prêter davantage entre elles et à alimenter l’économie, mais les effets tardent à se faire sentir et le scepticisme domine.

Pour la première fois de son histoire, l’institut francfortois à abaissé à 0% (contre 0,25% précédemment) la rémunération des fonds placés au jour le jour sur sa facilité de dépôt par les banques européennes.

Depuis plus de quatre mois, les banques déposent chaque soir environ 800 milliards d’euros sur cette facilité, un montant historiquement élevé.

Ces fonds proviennent, en partie, des deux prêts exceptionnels à trois ans consentis aux banques par la Banque centrale européenne (BCE) fin décembre et fin février, pour un total de 1.018 milliards, qui devaient empêcher un tarissement du crédit lié à la conjoncture économique dégradée.

Pour rompre avec ce fonctionnement en circuit fermé, la BCE a donc décidé d’agir.

Au premier jour de la fin de la rémunération des dépôts, les montants déposés sur la facilité de dépôt ont fondu de presque 500 milliards d’euros, pouvant laisser croire que ce montant alimentait désormais le circuit économique. Or, il n’en est rien.

Car en réalité, les banques ont simplement transféré leurs surplus de liquidités d’un compte de la BCE à l’autre: à savoir sur leurs comptes courants auprès de l’institution, qui servent normalement aux banques à stocker les “réserves obligatoires” exigées par la banque centrale.

Cependant depuis mercredi les liquidités déposées dans ces comptes courants dépassent très largement les niveaux exigés par la BCE pour les réserves obligatoires. Mercredi, elles ont atteint près de 540 milliards d’euros contre à peine 74 milliards la veille.

L’argent stocké en plus du montant exigé pour les réserves obligatoires n’est jamais rémunéré par la BCE, mais en cas d’urgence les banques peuvent facilement utiliser leurs surplus de liquidités dans leurs comptes courants, alors que les liquidités dans la facilité de dépôt sont bloquées pour la nuit.

“Je ne suis pas trop optimiste” quand à l’impact sur le marché interbancaire du taux zéro pour les dépôts auprès de la BCE, a déclaré à l’AFP Patrick Jacq, stratégiste obligataire de BNP Paribas.

“Cela n’a rien changé”, a-t-il ajouté.

Interrogé, un porte-parole de la BCE s’est abstenu de tout commentaire.

“Nous ne nous attendons pas à ce qu’un taux de dépôt à zéro encourage les prêts bancaire dans le contexte actuel”, avancent les stratégistes de Crédit Agricole CIB.

Sur le fond, aucun des facteurs qui expliquaient que les banques parquent des centaines de milliards auprès de la Banque centrale n’a changé, observe un banquier, sous couvert d’anonymat.

La crise de la zone euro continue à susciter la défiance entre banques, seuls les plus grands noms acceptant encore de se prêter de l’argent.

“En temps de crise financière, les banques ont tendance à garder en réserve plus de liquidité que d’ordinaire”, observe les économistes de Berenberg Bank, ajoutant que ménages et entreprises en font souvent de même.

Par ailleurs, les banques se préparent à l’entrée en vigueur du nouveau cadre réglementaire dit Bâle III, qui pénalise lourdement les prêts entre établissements financiers, considérés comme très risqués par le régulateur.

Pour tenter de débloquer la situation, le gouverneur de la Banque des Pays-Bas, Klaas Not, a évoqué la possibilité de fixer un taux négatif à la facilité de dépôt, comme cela vient d’être fait au Danemark.

“Une fois que les dépôts seront intégralement passés de la facilité de dépôt au compte courant, cela n’aura plus d’intérêt”, tempère toutefois M. Jacq.