PSA : la saignée dans la recherche et le développement, mauvais présage pour l’avenir?

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emplois (Photo : Patrick Kovarik)

[14/07/2012 09:12:07] PARIS (AFP) La saignée réalisée par PSA dans la recherche et développement (R&D) en France est un mauvais présage pour l’avenir du groupe en Europe et la compétitivité française, mais ne traduit pas pour autant une délocalisation de ce secteur stratégique, estiment experts et syndicats.

Parmi les 8.000 suppressions de postes annoncées par le premier constructeur automobile français, le pôle recherche paye un lourd tribut, amputé de 1.400 postes, soit près de 10% des effectifs en France.

A l’automne, 500 suppressions dans la R&D avaient déjà été annoncées, 1.600 contrats avec des prestataires extérieurs non renouvelés.

“Notre crainte est que ces coupes dans la R&D n’hypothèquent le développement du groupe”, dit Jean-Yves Sabot de la fédération métallurgie FO, pour lequel PSA, “très fort sur les petites voitures”, à faible valeur ajoutée, “aurait intérêt à monter en gamme”.

Pour la CFDT, ce choix survient alors que “la filière automobile doit prendre le virage du développement durable” et des modèles hybrides et électriques.

“On taille dans les effectifs de R&D, ça veut dire qu’on ne se met pas en position d’avoir un avenir brillant. La R&D est cruciale dans l’automobile”, explique Philippe Portier (CFDT). “Moins de R&D veut dire moins de véhicules nouveaux qui sortiront, donc moins de capacité à acquérir des parts de marchés et, donc, plus de difficultés. Cela peut être l’entrée dans une spirale infernale”, dit-il.

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élégué CGT de PSA porte un badge contre la fermeture du site le 13 juillet 2012 à Aulnay-sous-Bois (Photo : Thomas Samson)

La CGT et la CFTC s’inquiètent d’une possible perte de savoir-faire.

Ces coupes sont aussi perçues comme un dommage collatéral de l’alliance en préparation avec l’américain General Motors, qui doit permettre synergies et partages de coûts, alors que la structure R&D de la filiale allemande de GM, Opel, est assez importante.

Mais Bertrand Rakoto, consultant et analyste automobile chez RL Polk, pense au contraire que l’impact ne sera pas problématique pour PSA car le groupe avait “un problème de sureffectif” en ce domaine.

Pas de délocalisation des cerveaux

Le patron du constructeur, Philippe Varin, s’est efforcé jeudi de rassurer sur la R&D et ses 16.600 collaborateurs (dont 84% basés en France, les autres à Sao Paulo, 1.500, et à Shanghai, 400).

“Nous allons bien entendu assurer le maintien des compétences critiques” et “conserver notre capacité d’innovation”, a-t-il dit.

“Il ne s’agit pas de réduire les effectifs en France pour les augmenter au Brésil et en Chine”, assure-t-on au sein du groupe qui a alloué 2,3 milliards à la R&D en 2011.

Reste que “l’internationalisation” des R&D suit celle de la production, et les coûts salariaux, plus élevés en Europe qu’ailleurs, peuvent peser dans la balance.

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usine de Poissy, le 27 janvier 2012 (Photo : Thomas Samson)

“Le mouvement dans l’industrie, c’est qu’on rapproche un peu la R&D des marchés”, relève Carlos da Silva, analyste, à l’image des Logan initialement conçues par Renault, aujourd’hui développées en Roumanie. “Les Logan sont faites pour les pays émergents donc il y a une sorte de logique à y implanter la R&D”, dit-il.

“Volswagen a la même approche et des centres dédiés depuis longtemps en Amérique du Sud, en Chine. Chez eux, le côté international est prégnant depuis beaucoup plus longtemps que PSA dont le gros problème est d’être trop dépendant de l’Europe et de n’avoir pas fait assez d’efforts sur l’international”, dit M. Da Silva.

Chez Renault, qui a taillé dès 2008 dans les prestations externes, deux tiers des effectifs R&D sont encore en France, et “pour l’instant il y a encore besoin d’un énorme soutien des bases françaises pour accompagner les produits” à l’étranger, dit Dominique Chauvin (CFE-CGC Renault).

Mais, avertit Syntec-Ingénierie (sociétés de R&D externalisée), la compétitivité française est en danger et “des mesures rapides sont nécessaires” pour sauvegarder la capacité de R&D en France, en déclin dans plusieurs autres filières industrielles telles que les télécoms ou la pharmacie.