J’ai fini par y aller dans ce pays si proche et si lointain. Comme tout Tunisien qui se respecte, on les voit sur nos routes conduire des voitures surchargées d’une manière hésitante, semblant presque s’excuser d’être là et se faisant discrets au maximum dans un environnement de plus en plus agressif.
Mais ce qu’on peut constater, c’est que dans ce pays riche en pétrole, dès qu’on arrive dans les villes de province, on ne constate en rien l’effet de la manne pétrolière si ce n’est les murs criblés de balles et les bâtiments éventrés par une guerre civile dirigée par le Guide de la Révolution contre son propre peuple.
Le spectacle est hallucinant et surréaliste, et la population regroupée sous forme de comités d’action civile, a réuni les trophées et les photos dans des musées ouverts gratuitement au visiteur; on y rentre après s’être essuyé la plante des pieds sur un paillasson à l’effigie de Kadhafi, geste combien symbolique pour subjuguer les démons du passé et effacer leurs traces. Car, 42 ans c’est long même très long, période durant laquelle toutes les structures du pays ont été méthodiquement démolies dans le seul objectif de mettre en valeur le Guide qui de visu s’est servi sans servir…
Et ce qui est encore plus surprenant, c’est la maturité et l’efficience de ces nouvelles structures qui, en l’absence d’Etat, font tourner les quartiers et les villes ainsi que l’ingéniosité déployée par les autochtones pour fabriquer des armes durant la guerre et ensuite faire de telle sorte que le pays sorte de sa léthargie.
Certes les veilles habitudes sont difficiles à perdre, la journée démarre à 11H, le service est encore hésitant, la main-d’œuvre rare et en majorité étrangère, mais on sent une volonté de faire et même de bien faire. Car aujourd’hui, dans ce pays qui a été repris par les siens, tout est à reconstruire ou presque et, malheureusement ou heureusement, les guerres ont l’avantage de faire que l’on reconstruise en mieux et qu’on améliore l’existant.
Enfin et surtout, la surprise est venue de l’exécutif et de l’équipe dirigeante qui a eu le génie lors des élections de faire passer un message très sage à un peuple pratiquant: nous sommes tous musulmans et sans aucune catégorisation. Du coup, les arguments islamistes se sont dissous et les élections ont donné une belle leçon de maturité et un camouflet à ceux qui n’ont pas de programme spécifique et vous citent des versets à tout bout de champ en guise de réponse comme pour esquiver les problèmes, alors qu’ils n’en ont aucunement le droit de s’approprier les composantes universelles de notre société. Mais que voulez-vous faire, ils n’ont rien à proposer, donc ils utilisent tous les artifices pour garder ou plutôt prendre le pouvoir même s’il faut le chercher au fond des poubelles! Et en fin de compte, de leur décharge ne sortira que de lixiviation!