Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a déclaré que les véritables causes de son limogeage sont “politiques et en totale contradiction avec l’indépendance de la BCT décidée par l’Assemblée nationale constituante (ANC)”. M. Nabli a fait savoir, au cours d’une séance plénière de l’ANC, tenue mercredi 18 juillet, au palais du Bardo, et consacrée à l’examen de la décision du président de la République provisoire relative à son limogeage que cette décision “vise à placer sous une emprise partisane l’institution nationale chargée de la politique monétaire et du contrôle du secteur bancaire”.
Les justifications et les raisons de son limogeage, présentées, mardi soir, par le ministre auprès du chef du gouvernement, chargé des Dossiers économiques, Ridha Saïdi, ont été qualifiées par le gouverneur de la BCT de “fausses et loin de toute réalité”, soulignant que celles-ci ont été réunies après la décision de sa révocation”. “Si une partie de ces justifications était réelle j’aurais présenté ma démission depuis longtemps”, a-t-il avancé.
Il a fait remarquer qu’il est retourné en Tunisie après la Révolution pour servir le pays et essayer d’accomplir sa mission loin des tergiversations et appartenances politiques mais s’est trouvé au centre de ces polémiques qui menaçent la stabilité de la principale institution de l’Etat dans le secteur financier”.
S’adressant aux constituants, le gouverneur de la BCT a indiqué que “le choix est clair, il s’agit de préserver la BCT en tant qu’institution indépendante loin des controverses ou de la soumettre à des considérations politiques qui s’opposent à l’intérêt général”. Il a ajouté que “la mise à l’écart du gouverneur de la BCT n’est pas chose nouvelle et n’est nullement liée aux réformes entreprises par l’institut d’émission ou encore aux données que la BCT présente sans que les parties qui ont décidé de son limogeage ne les aient demandées”.
M. Nabli a souligné que la campagne a débuté, depuis le mois de janvier de 2012, rappelant l’agression dont il a été victime le 19 janvier 2012 dans son bureau. Il s’agissait d’une agresssion verbale et physique contre une institution souveraine et d’un appel à son départ. Ces agressions, a-t-il déploré, n’ont pas été dénoncées par les parties au pouvoir (présidences de la République, du gouvernement et de l’ANC).
M. Nabli a souligné que “l’intention du limogeage existait depuis quelque temps mais il a néanmoins été étonné des dernières évolutions et de la manière d’annoncer cette décision à travers un débat télévisé du président de la République ainsi qu’à travers les réseaux sociaux, tel que “Facebook”.
Il a rappelé que le chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali, a fait part de son étonnement de ce limogeage au cours d’une communication téléphonique le 27 juin 2012 et affirmé que le gouvernement refuse cette décision. Et d’ajouter que M. Jebali a confirmé de nouveau ses propos, au cours de leur rencontre le 2 juillet 2012, lui demandant “de ne pas réagir ou commenter cette décision, jusqu’à trouver une solution concordante”. Il a précisé avoir indiqué au chef du gouvernement de devoir être obligé de présenter des éclaircissements et la position de la BCT sur la question du limogeage si cette décision n’est pas retirée ou expliquée par le gouvernement.
Le gouverneur a avoué, par ailleurs, qu’il s’est trouvé dans “une situation difficile” car “les polémiques et le manque de confiance avaient atteint leur paroxysme et ont engendré une difficulté de communication entre les différentes structures jusqu’à menacer l’intérêt, la stabilité financière et économique de la Tunisie”. Il a indiqué que “la décision revient à l’ANC ainsi que le renforcement des institutions de l’Etat et de leur crédibilité à l’intérieur et à l’extérieur du pays, celles-ci ne devant pas dépendre des intérêt personnels et politiques”.
M. Nabli a dit avoir confiance en l’ANC “pour préserver et consolider la BCT loin des considérations personnelles”. Au début de son intervention, M.Nabli a présenté des éclaircissements sur les justifications de son limogeage s’agissant de la relation de la BCT avec le pouvoir exécutif et le gouvernement, de la gestion et de la modernisation de l’institution via la gouvernance concernant la politique monétaire et l’audit de la banque, évoquant également le contrôle du système bancaire et sa réforme ainsi que le dossier de la récupération des avoirs spoliés.
Il a également présenté des données détaillées sur l’efficience du cabinet d’avocats chargé de récupérer ces avoirs.
WMC/TAP