Tunisie – Nomination de Chedly Ayari : La séance de la Constituante risque d’être houleuse aujourd’hui!

 

chedly-ayari-220.jpgAlors que de nombreux spécialistes du droit -et la Constituante n’en manque pas- insistent sur le fait qu’il y a «vice de forme» dans la nomination du nouveau gouverneur de la BCT. Chedly Ayari, on juge du côté de la présidence de la République que tout tient la route. Inutile de préciser que cet aspect ne manquera pas d’être discuté. Et que la séance risque d’être houleuse. Des membres de la Constituante «agiteront» les débats.

Sauf imprévu, la Constituante devra se réunir, aujourd’hui, mardi 24 juillet 2012, pour statuer sur la question de la nomination de Chedly Ayari en tant que nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) en remplacement de Mustapha Kamel Nabli, révoqué par le président de la République, le 27 juin 2012, et approuvée par la Constituante le 19 juillet.

La nomination de Chedly Ayari, un éminent professeur d’économie, ancien doyen de la Faculté de droit et de sciences économiques de Tunis, ancien ministre sous Habib Bourguiba (il a dirigé quatre départements) et président de la BADEA (Banque Arabe de développement Economique en Afrique), qui a déjà suscité de nombreux commentaires, devrait faire de la séance de ce mardi une séance haute en couleur.

Les membres de la Constituante –ou du moins certains d’entre eux- devraient étudier à la loupe quelques aspects relatifs à cette nomination qui intéressent une partie de l’opinion.

Des échos font état d’un désaccord au sein de la Troïka

A commencer par le fait que si cette nomination tient la route juridiquement parlant -elle est survenue le 11 juillet 2012, huit jours avant que la Constituante ne mette fin «officiellement» au mandat de Mustapha Kamel Nabli à la tête de la BCT (18 juillet).

Et là, il y a débat: alors que de nombreux spécialistes du droit -la Constituante n’en manque pas- insistent sur le fait qu’il y a «vice de forme», on juge du côté de la présidence de la République que tout tient la route. Le porte-parole de la présidence, Adnan Mansr, l’a confirmé pas plus qu’hier, 23 juillet, au cours d’une conférence de presse.

Inutile de préciser que cet aspect ne manquera pas d’être discuté. Et que la séance risque d’être houleuse. Certains constituants «agiteront» les débats. En faisant durer les débats des heures et des heures et en faisant ressortir les détails qui, pour ainsi dire, tuent et sont bons pour faire durer la palabre. Et le président Mustapha Ben Jaafar aura maille à partir avec certains membres qui ne manqueront pas d’aller au bout de leur contestation.

D’autant plus que des échos, recueillis par WMC, font état d’un désaccord au sein de la Troïka. Des membres notamment du CPR (Congrès Pour la République) s’apprêteraient à prendre la parole pour contester la nomination de Chedly Ayari. Commencée, le 17 juillet 2012, vers 18H30, la séance pour la révocation de Nabli avait duré jusqu’à 23H 45. Et a dû être reprise le lendemain.

Autre question importante qui ne manquera pas d’être débattue: en quoi la nomination de Chedly Ayari favorisera, aux yeux de la présidence de la République et la présidence du gouvernement, un meilleur fonctionnement de la politique économique et financière du pays et de la BCT?

Cela ne lui ressemble pas. Et pas du tout

Des députés poseront cette question en demandant des précisions sur comment le nouveau gouverneur devra faire pour notamment ne pas tomber dans les mêmes pièges, aux yeux de l’exécutif, que ceux de son prédécesseur et surtout d’éviter les quatre reproches qui ont été adressés à Mustapha Kamel Nabli: les mauvaises relations avec l’exécutif, la gouvernance et la réforme de la BCT, le contrôle et la réforme du système bancaire et l’inefficacité au niveau du recouvrement des avoirs à l’étranger du président déchu et de son clan.

Des arguments qui ont été réfutés un à un, et à force d’arguments forts, par Mustapha Kamel Nabli, le 18 juillet 2012, en montrant notamment qu’ils trouvent leur origine et dans une méconnaissance de la gestion de la BCT et des arcanes de la finance.

Que pourra répondre Ridha Saïdi, ministre chargé des Affaires économiques et sociales auprès du président du gouvernement? Il est évident que le gouvernement défendra du mieux qu’il pourra. Mais ne pourra pas prédire l’avenir et savoir comment réagira le nouveau titulaire du poste de gouverneur de la BCT lorsqu’il mettra les pieds dans cette institution.

En somme, le rendu de Chedly Ayari sera-t-il bien différent de celui de Nabli? L’homme est connu par sa compétence et sa rigueur. Mais, il est à craindre que tout ne dépende pas toujours de lui. Chaque homme a certes son style. Et des hommes sont capables, dans l’absolu, d’initier des réformes que d’autres n’ont pas été capables de mener. Les deux têtes de l’exécutif et l’intéressé devront s’expliquer comment ils peuvent imprégner une autre politique monétaire plus efficace que celle de Nabli. Et convaincre.

Le Général De Gaulle, qui a dirigé la France entre 1958 et 1969, se plaisait à dire à ses contradicteurs, que l’on ne peut toujours se battre contre «la force des choses». Une expression qui veut dire tout à la fois les contradictions, les contrariétés, les pesanteurs, le manque de maturité des hommes et les situations inconfortables.

A moins que le débat ne soit d’une toute autre nature. A ce propos, certains seraient tentés de dire que le nouveau gouverneur accepterait d’être plus «conciliant» avec le pouvoir en place. Aux dépens des intérêts du secteur. Or, ceux qui connaissent l’homme affirment catégoriquement que cela ne lui ressemble pas. Et pas du tout. Sa gestion des affaires publiques et celle de la BADEA sont là pour le prouver… Même si certains ont un avis différent sur cette “bonne“ gestion.

Ceci étant, plusieurs interrogations demeurent, notamment celles concernant les conditions de la nomination de Chedly Ayari, n’appartenant à aucun parti politique (peut-être), saura-t-il agir en toute liberté dans l’Institut d’émission? Pourra-t-il faire entrer la BCT dans le club très select des Banques centrales vraiment indépendantes du monde? En un mot, Chadly Ayari saura-t-il concilier entre impératifs politiques du gouvernement et enjeux économiques du pays –car au fond, ces deux sont contradictoires aujourd’hui?