La révocation de Mustapha Kamel Ennabli votée mercredi dernier par 110 membres de l’Assemblée nationale constituante de la Tunisie (ANC) serait-elle le coup de grâce assenée à la Tunisie par la Troïka guidée par ses enjeux de politique «politicarde»? Fragilisant ainsi de nouveau son classement par les agences internationales de notation?
Il semblerait bien que oui. Il fallait choisir entre les caprices du président provisoire de la République et le gouverneur de la BCT et c’est le pays qui trinque!
Dans le dernier rapport de Moody’s (page 26), on peut lire: «La révocation de M. Nabli a eu un impact négatif sur la crédibilité de la Tunisie classée déjà BBB-. Elle porte atteinte à l’image de la Banque centrale tunisienne, un élément clé dans la notation souveraine de la Tunisie».
Cette décision injustifiée continuera à déstabiliser les investisseurs et à menacer les équilibres macroéconomiques du pays, lequel il y a tout juste trois ans était reconnu par les instances internationales comme étant le pays le plus compétitif de la région grâce, entre autres, et indépendamment des problèmes de gouvernance à une gestion efficiente de l’économie.
Alors que l’économie est fragilisée par le contexte délicat de la transition démocratique, le remplacement du gouverneur de la Banque centrale, après des semaines de tension politique au sein de la coalition au pouvoir, envoie un mauvais signal aux partenaires de la Tunisie. Il attiserait, d’après l’agence de notation, les incertitudes sur l’avenir de la politique monétaire de la Tunisie. Chedly Ayari (grand favori de Rached Ghannouchi) aurait besoin, selon Moody’s, de temps pour se familiariser aux difficultés auxquelles se heurte aujourd’hui la BCT. Sa nomination serait également susceptible de reporter la mise en œuvre des réformes nécessaires du secteur bancaire, comme la restructuration des banques publiques et le renforcement de la supervision bancaire.
Pour Moody’s, le licenciement de M. Nabli est un moyen pour le gouvernement d’intervenir dans le secteur financier et bancaire et la politique monétaire du pays et potentiellement compromettre l’indépendance de la Banque centrale, ce qui est impératif pour la stabilité macroéconomique. Depuis l’éviction de l’ancien président Zine Abidine Ben Ali, et sous la direction de M. Nabli, la Banque centrale a maintenu le cap sur l’inflation de la Tunisie, l’intérêt et le taux de change, même pendant les troubles politiques. Sans omettre un fait très important, celui d’injecter des liquidités en quantités suffisantes au système bancaire ce qui a permis de préserver l’économie réelle, qui s’est contractée de 2,2% en 2011. L’ancien gouverneur de la BCT, rappelle Moody’s a reçu la distinction du meilleur banquier africain pour l’année 2012.
La controverse sur le leadership de la Banque centrale alors que le pays n’est pas encore remis économiquement et n’a pas eu le temps d’agir sur les réformes et prendre les mesures adéquates pour soutenir la croissance économique n’est pas pour rassurer les opérateurs économiques nationaux et internationaux. «Nous voulons bien continuer à croire que la Tunisie bénéficie encore d’une administration efficiente dirigée par des technocrates compétents. Il est fort possible, d’autre part, que certains dirigeants politiques au sein du gouvernement provisoire soient tentés de tergiverser jusqu’aux prochaines élections, ce qui ne serait pas de bonne augure pour l’amélioration de la note souveraine de la Tunisie. Nous avons remarqué un recul des fondamentaux depuis 18 mois».
Pour Moody’s, la manière dont les décideurs au pouvoir en Tunisie réagissent à la situation économique et sociopolitique est déterminante dans la revalorisation de la note souveraine du pays. «C’est la clé» du succès, estime Moody’s: «Nous suivrons de près s’il y a une véritable volonté d’engager des réformes d’ici les prochaines élections et si ce sont de véritables technocrates (compétences) qui s’en occuperont»…
Même si nous sommes en face d’un gouvernement qui suit à la lettre le dicton «Les chiens aboient, la caravane passe», osons espérer…