«Le courage fait les vainqueurs; la concorde, les invincibles». C’est peut-être son unité qui fait aujourd’hui la force de l’UGTT. Rares seraient les fois où vous entendrez un membre du bureau exécutif de l’UGTT critiquer des représentations régionales ou leurs syndicats de base ou leur reprocher de possibles abus».
«Serons-nous en train de passer de la dictature Ben Ali avec ses chantages, ses rackets et ses excès pour tomber sous la coupe de l’Union générale des Travailleurs tunisiens (UGTT) et sombrer non seulement à cause de la conjoncture internationale difficile et d’un climat d’affaires national incertain et manquant de visibilité?», s’indigne un jeune entrepreneur.
Pour Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l’UGTT, responsable du secteur privé, rien de cela ne serait vrai: «Notre démarche est des plus constructives et tout dans nos décisions le prouve, nous voulons préserver l’entreprise sans que cela se fasse aux dépens des travailleurs. Il ne faut évidemment pas qu’il y ait amalgame entre les grèves sauvages et celles organisées et justifiées».
Wided Bouchammoui, présidente de l’UTICA, se veut conciliante et consensuelle. Sa déclaration suite à la signature lundi 23 juillet de la convention cadre sur les négociations sociales avec l’UGTT est sans équivoque: «Nous voulons travailler main dans la main avec la centrale des travailleurs pour renforcer le pouvoir d’achat des employés et améliorer le climat social au sein de nos entreprises; elles ne pourront pas réussir toutes seules».
Les négociations entre les deux centrales, patronale et ouvrière, se tiendront deux fois par semaine et se rapporteront aux modalités d’augmentation de salaires mais pas seulement, explique Khalil Ghariani, président de la commission sociale de l’UTICA, pour qui «le pouvoir d’achat ne dépend pas que du salaire, il dépend tout autant des prix, et là il va falloir nous employer tous à l’améliorer en travaillant sur les coûts de production et la fiscalité». Puis d’ajouter: «Devant l’inflation à l’international et le glissement constant du dinar tunisien face au dollar et à l’euro, il nous faut trouver des solutions concrètes et nous entendre avec nos partenaires sociaux, il ne s’agit pas d’accorder un salaire moyen. Avec l’UGTT, nous avons établi trois canaux de discussion, celui classique de la commission tripartite UTICA/UGTT et Etat, la deuxième commission mixte UTICA/UGTT et la troisième concerne le Contrat social UTICA/UGTT et BIT. Nous osons espérer, avec tous les moyens que nous mettrons en œuvre pour le succès de ces tractations, rassurer les uns et les autres et stabiliser le climat social. En tant qu’UTICA, nous comptons bien honorer nos engagements et nous osons espérer que tous les accords signés dans le cadre des négociations actuelles ne seront pas remis en question. En ce qui nous concerne, nous dénoncerons toute entreprise qui ne les respectera pas».
«Tout-à-fait d’accord», rétorque Belgacem El Ayari, si les accords sont signés, il n’est pas question que l’un des interlocuteurs fasse marche arrière à condition que les débats ne se limitent pas uniquement à l’augmentation des salaires mais qu’ils touchent également les modalités de recrutement, d’avancement et de gestion des carrières dans le secteur privé, la sous-traitance et le droit syndical ainsi que la santé et la sécurité professionnelle. Soyons toutefois positifs, la signature de l’accord-cadre représente en elle-même une grande avancée et annonce le démarrage de négociations que nous aimerions tous constructives».
Que l’UTICA et l’UGTT s’engagent sur le terrain des négociations, c’est très positif dans un contexte économique qui n’est pas des plus reluisants et surtout face à l’image renvoyée aujourd’hui par la Tunisie à l’international: «Nos commanditaires, principalement européens, sont devenus très prudents, ils préfèrent se fournir dans des pays où les revendications sociales ne risquent pas de bloquer la production. Avec la crise qui persiste dans leurs pays, ils favorisent le respect des délais de livraison de leurs commandes aux engagements antérieurs avec leurs vis-à-vis tunisiens», déplore un opérateur privé.
Les indicateurs économiques ne semblent pas être rassurants. Ainsi, on a remarqué un recul significatif des industries manufacturières depuis le mois de février (-10,9%) à cause, entre autres des troubles sociaux et des problèmes d’acheminement des marchandises; quant aux importations, elles ont affiché un recul de 2,2% au mois d’avril et de 6,6% au mois de mai au niveau des biens d’équipement.
Quand est-ce que la roue de l’économie tournera de nouveau?