Son départ est une mise à l’index du gouvernement. Le motif est impitoyable, il dénonce la gouvernance impopulaire. Les priorités partisanes sont préférées aux priorités nationales. Cette démission sonne comme un verdict.
Houssine Dimassi -jusqu’à vendredi matin (27 juillet) encore ministre des Finances- a choisi de rendre le tablier. Ce départ est lourd de conséquences. D’abord, par son timing. Cette démission intervient après la mêlée marathon pour l’éviction de Mustapha Kamel Nabli de son poste de gouverneur qui a montré que le gouvernement est plus soucieux de discipline que de compétence.
Par son sens, ensuite. Cette démission est formatée en désaveu des orientations du gouvernement. Les motifs mis en exergue sont assassins. Electron libre, car ministre indépendant, Houssine Dimassi n’était pas tenu d’un haut niveau d’obligation de réserve. Ministre technocrate, il laisse entendre qu’il obéit plus à son engagement envers l’Etat qu’à sa fidélité au gouvernement. Enorme pavé dans la mare, qui va certainement déstabiliser la cohérence –s’il y en avait une- de l’équipe au pouvoir. Quels retentissements politiques à cette saignée?
La dénonciation du clientélisme
Houssine Dimassi vibre aux intérêts de l’Etat. Il entendait réformer de manière salutaire les finances publiques à une époque où le pays est sous la loupe des agences internationales de rating. La rigueur sinon rien. Il n’a pas hésité à monter au filet et à oser le problème de la Caisse Générale de Compensation. Il est vrai qu’elle continue d’être la pierre d’achoppement de tout l’édifice économique national. Mais à plus de six milliards de dinars de subventions, la Caisse devient improductive. Compensant les produits alimentaires de base et l’énergie, la Caisse s’éloignait de sa vocation et quittait la voie. Continuer à abonder dans le sens de ce soutien incongru, qui mêlait gens nantis et économiquement faibles, devenait une hérésie. A la recherche d’un nouveau modèle économique, le pays devait se doter d’une gouvernance nouvelle en matière de gestion macroéconomique et de finances publiques.
Consacrer plus de fonds pour compenser les ménages que pour investir, l’Etat est pris en flagrant délit de politique antiéconomique. Se concilier l’opinion à des fins électoralistes au prix de comptes publics plombés, ce n’était pas du goût du «chancelier de l’échiquier» qui considère que l’heure de vérité a sonné et que le clientélisme ne passera pas. D’où cette démission sous forme de Scud ravageur.
Le «pactole» de la discorde
Ennahdha voulait se sucrer en gâtant les siens sur le dos du peuple. Une retraite viagère serait compréhensible. Un «pactole» sous forme d’indemnisation d’assurance n’est pas acceptable. C’est en substance ce que laisse signifier le départ de Hassine Dimassi. Près d’un milliard de dinars pourraient être servis au titre de dédommagement aux militants activistes d’Ennahdha. C’est une saignée en cette période difficile où se joue l’avenir du pays.
Houssine Dimassi marque de la sorte un point imparable. La rumeur avait circulé sur l’ampleur des dédommagements et l’opinion a désapprouvé mais le gouvernement semble en faire fi. Mais là où le ministre partant fait un carton, c’est en prouvant qu’en ministre technocrate, il gardait cette faculté de tirer la sonnette d’alarme quand les intérêts supérieurs de l’Etat étaient menacés et que le peuple pouvait être floué.
Curieusement, il donne un éclairage suffisamment édifiant sur l’obstination de la Troïka et du parti dominant qui l’a structurée à choisir un cabinet politique. L’objectif implicite était donc de faire valoir, en priorité, les intérêts partisans. Le scandale est total. Cette démission sonne comme une dénonciation.
La rumeur parlait d’un éventuel remaniement ministériel avançant que HD serait sacrifié pour refus d’obtempérer. L’ennui est qu’en prenant les devants, il accrédite la solution inverse, ouvrant la voie à une grande crise de confiance qu’il ne sera pas facile à gérer tant le discrédit sur la politique actuelle est grand.