Tunisie – Orientation universitaire : Entre une inflation de diplômés et des universités inutiles

orientation-univ-220.jpgActuellement, se joue le sprint final de l’orientation universitaire. Ce tour de rattrapage, comme le qualifie AbdelFateh El Kaceh, directeur général des affaires estudiantines, concerne près de 6.000 bacheliers qui n’ont pas eu d’orientation au 1er et 2ème tour, soit 10% du total. M. Kaceh précise que deux tours seulement ont été fixés, cette année, contre trois auparavant. L’objectif est de faciliter l’orientation universitaire et de raccourcir les délais. Les deux tours ont été achevés à la fin juillet 2012.

Selon les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur, 95% des bacheliers, se présentant au 1er tour, soit 30.476, ont été affectés. Parmi eux, 75% ont pu avoir un de leurs quatre premiers choix. Pour le 2ème tour, 83% des bacheliers s’y présentant, soit 26.833, ont été affectés. 77% d’entre eux ont obtenu un de leurs quatre premiers choix.

Des filières sollicitées…

Des résultats satisfaisants, selon M. Kaceh. Mais pour les 6.000 bacheliers du dernier tour, il ne reste pas grand-chose. Déjà des filières comme les sciences médicales et paramédicales (+1000 places), l’architecture et des études préparatoires et autres sont remplies dès le premier tour…

A titre d’exemple, la médecine, la pharmacie, la médecine dentaire, l’anesthésie et la réanimation, la radiologie et la biologie médicale n’affichent aucune place disponible. Seules quelques places sont restées pour la filière de l’infirmerie à l’Université Tunis El Manar, l’Université de Jendouba, l’Université de Sfax, et aussi pour la filière de l’hygiène à l’Université Tunis El Manar et l’Institut National du Travail et des études sociales (Université de Carthage).

A noter aussi que les universités de Tunis et du littoral sont celles qui se remplissent le plus vite. Pour la filière architecture et des cycles préparatoires pour les études d’ingénieur, seules 35 places sont restées à l’Institut préparatoire des études d’ingénieur à Gafsa et 7 à l’ISET de Gabès, pour les baccalauréats mathématiques. Des places qui ont été évidemment satisfaites au 2ème tour. Les filières littéraires offrent plus de disponibilité aux bacheliers du tour final.

«Il est clair que ces filières sont les plus sollicitées par les bacheliers. Les villes côtières sont aussi les plus demandées. Et ceci n’est pas le cas pour les filières littéraires et les universités à l’intérieur», précise M. Kaceh

Modifications…

Le responsable indique qu’il y a eu cette année quelques modifications afin de donner plus de chance aux bacheliers. Pour le guide de l’orientation universitaire 2012, on a procédé à la suppression du score de l’année dernière, vu que ceci peut induire en erreur les bacheliers qui l’utiliseront comme référence pour leurs choix.

La bonification géographique a été également supprimée pour la médecine et les études préparatoires. «Nous nous sommes rendu compte que ceci pénalise les régions intérieures. Nous voulons traiter les candidats sur un pied d’égalité», explique M. Kaceh.

Le directeur général des affaires estudiantines affirme aussi que certaines filières et spécialités doivent être renforcées et soutenues. Il cite l’exemple du tourisme, un secteur stratégique pour l’économie tunisienne. Il n’existe qu’une seule école, située à Sidi Dherif, et qui n’attire pas un grand monde. «C’est un créneau porteur pour la formation en Tunisie. Mais il manque de moyens. Les instituts privés ne sont pas à la hauteur du potentiel du secteur», estime-t-il.

Il s’agit aussi des métiers de l’environnement qui devraient mériter beaucoup d’attention ainsi que celles de l’énergie.

Revoir le modèle économique…

Les sciences humaines restent le parent pauvre de l’enseignement supérieur, bien qu’elles renferment aussi des opportunités et du potentiel. «Il faudrait revoir le modèle économique. Auparavant, il y avait un paradoxe: d’une part, on a gonflé l’effectif pour atteindre ce que j’appelle une “inflation“ de diplômés; d’autre part, on a créé des institutions universitaires qui ne servent à rien. En même temps, le chômage s’aggravait», déplore le responsable.

Selon lui donc, pour repartir sur de nouvelles bases, il faudra revoir la politique de formation et surtout revoir le modèle économique. «L’orientation universitaire est stratégique non seulement au niveau personnel mais aussi au niveau national et collectif», estime-t-il.

Il pense que la formation continue et la formation à distance ont un grand avenir devant elles. Il s’agit aussi de développer des institutions universitaires de qualité et développer le partenariat entre les universités du littoral et celles de l’intérieur. «Il y a un cumul à l’intérieur. Il est important de doter les universités par des moyens suffisants et encourager les professeurs à s’installer là-bas. Ceci ne peut se faire sans renforcer la formation par des moyens financiers et techniques, par des laboratoires de recherche, etc.», soutient M. Kaceh.