ûlée dans la banlieue de Damas, le 29 juillet 2012 |
[01/08/2012 15:50:57] PARIS (AFP) Il twitte les “bruits d’explosion”, les “chars”, et les “hélicos” mais aussi les prix des citrons qui s’envolent et l’économie qui s’écroule: Jean-Pierre Duthion témoigne sur Twitter de son quotidien d’entrepreneur français dans une capitale syrienne soumise aux combats.
Après quelques jours d’accalmie, les explosions ont repris dans Damas dans la nuit de mardi à mercredi. “Je regarde Secret Story, 3 explosions viennent de résonner au loin”, écrit-il mardi soir. Puis “2 autres explosions” et “Bonne nuit. Apparemment les bruits de tirs et d’explosion ont cessé pour ce soir”.
Le lendemain matin, comme souvent, l’expatrié français commence sa journée par un “Good Morning #Damascus!” plein de vie. Son compte regorge des petits détails du quotidien que les journalistes ne prennent pas le temps ou ne peuvent pas raconter, et qui font le sel de ses témoignages en 140 signes.
“1 kilo de citrons coûtait 40 SYP (environ 0,50 USD) aujourd’hui il faut compter 180 SYP (2,50 USD)”, raconte-t-il mardi.
Jean-Pierre Duthion est un importateur de franchises d’une trentaine d’année. Depuis cinq ans qu’il est en Syrie, il vend sa connaissance du terrain à des marques internationales qui veulent s’ouvrir au marché local, dans un pays où la croissance économique flirtait avec le 5% à la fin des années 2000.
“A Damas, ce sont les classes moyennes, qui avaient commencé à émerger avec l’ouverture du marché, qui triment. Je connais un concessionnaire automobile Kia qui gagnait 2.500 dollars par mois. Maintenant il est taxi à 200 dollars. C’est catastrophique”, raconte-t-il à l’AFP au téléphone.
Lui-même ne peut plus travailler. Son activité liée à l’importation “est au point mort”. Et son bar lounge n’accueille plus qu’une dizaine de personnes par jour contre 80 à 150 “avant les évènements”.
“Ce n’est pas rentable de rester ouvert mais fermer, ce serait envoyer le message que rien ne sera plus comme avant”, juge le jeune homme.
“Qui va investir un euro en Syrie alors qu’on ne sait même pas comment va se finir la journée?”, insiste celui qui se présente comme “un privilégié”.
“Dans les hôtels, il n’y a plus personne. Tous les expatriés sont partis, laissant leurs employés sans job. Et, cerise sur le gâteau, les sanctions économiques ont été durcies”, énumère-t-il.
“Une seule peur: l’anarchie”
Depuis le début de la révolte en mars 2011, Damas avait été épargnée par les violences. Ce n’est plus le cas depuis que l’insurrection s’est installée dans les rues de la capitale où un attentat a tué trois responsables syriens le 18 juillet. “Damas a été désanctuarisée, ça met un coup au moral”, dit l’expatrié. “Comme tout le monde ici, je n’ai peur que d’une chose, c’est l’anarchie”.
Car, s’il se dit neutre politiquement, Jean-Pierre Duthion ne cache pas la peur que lui inspire l’Armée syrienne libre (ASL). Sur Twitter, certains lui reprochent de ne pas soutenir la rébellion. D’autres profitent de ses messages pour afficher leur soutien au régime de Bachar al-Assad.
“On me reproche de ne pas être assez engagé politiquement mais, même si c’est démago, moi je suis du côté du peuple et le peuple, il est pris en étau”, répond-t-il, sans s’apesantir.
Pour autant, ce fort en gueule ne compte pas partir. “Je me suis littéralement expatrié. Ca fait cinq ans que je vis ici, toute ma famille, tous mes amis vivent ici. Ma mère, mon frère, ma fiancée sont ici”.
“J’ai encore en tête le regard hagard des Français qui quittent la Côte d’Ivoire. Je suis comme eux, personne ne m’attend à Paris”, raconte-t-il.
En attendant, il alimente son fil Twitter, @halona, passé de 450 à 2.350 “followers” en quelques jours. Et il fait son nouveau boulot de “correspondant”: BFM, LCI, CNN, RFI ont fait appel à lui pour mieux appréhender, à travers Skype où une liaison téléphonique, la réalité de Damas.