Espagne : Rajoy, pris entre plusieurs feux, est obligé de sortir de son silence

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à Madrid le 3 juillet 2012 (Photo : Pierre-Philippe Marcou)

[03/08/2012 10:23:56] MADRID (AFP) Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, dresse vendredi le bilan de ses premiers mois au pouvoir, marqués par une rigueur restée sans effet sur la mauvaise santé financière du pays, en pleine déroute et qui ne semble plus pouvoir éviter un sauvetage de son économie.

“L’Espagne est acculée à mener à bien toutes les réformes imposées par l’Europe et à demander un humiliant second sauvetage, une demande qui devrait se produire dès aujourd’hui si Rajoy veut éviter un châtiment extrême des marchés”, affirme vendredi le quotidien El Pais.

Le chef du gouvernement de droite, habituellement silencieux depuis qu’il a pris les rênes du pays en décembre, s’apprêtait à défendre devant la presse un bilan qui se traduit en chiffres désastreux: presque 25% de chômeurs, une récession qui s’aggrave, une dette publique qui s’emballe.

Pressé d’appeler à l’aide ses partenaires européens, Mariano Rajoy a encore balayé jeudi d’un revers de main les propos du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, qui a lié toute intervention de la BCE sur le marché de la dette à de nouveaux efforts budgétaires des pays les plus fragiles, comme l’Espagne et l’Italie.

Un scénario dont l’Espagne, quatrième économie de la zone euro, refuse officiellement d’entendre parler, en appelant régulièrement à la BCE pour qu’elle reprenne son programme d’achat de dette, sans plus, afin de détendre les marchés et aider le pays à se financer

Après avoir dû plier en juin, et demander à la zone euro une aide pour ses banques, qui ira jusqu’à cent milliards d’euros, après avoir annoncé en juillet un tour de vis budgétaire d’une rigueur sans précédent – 65 milliards d’euros d’économies avant fin 2014 – Mariano Rajoy a reçu jeudi la visite de son homologue italien Mario Monti.

Au menu: convaincre l’Espagne de demander l’aide du fonds de secours européen. Une option que rejette Madrid, craignant de se voir imposer de nouvelles conditions intenables.

Dans ce contexte, les propos la semaine dernière de Mario Draghi se disant prêt à tout faire pour sauver la zone euro avaient nourri de nouveaux espoirs, immédiatement déçus jeudi par l’absence de mesures concrètes à l’issue de la réunion, à Francfort, des gouverneurs de la BCE.

“Une fois encore, des promesses renouvelées et une absence d’action”, relevaient vendredi les analystes de Renta4.

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à la bourse de Madrid, le 20 juillet 2012 (Photo : Pierre-Philippe Marcou)

Immédiatement, les marchés, boursier comme obligataire, ont plongé. Vendredi matin, les taux d’emprunt à dix ans de l’Espagne restaient au-dessus des 7%, le seuil jugé insoutenable à long terme, et ceux de l’Italie à plus de 6%.

Combien de temps l’Espagne résistera-t-elle?

“Les événements de la dernière semaine mettent en évidence, une fois de plus, le manque de souplesse qui existe dans la zone euro pour résoudre les problèmes financiers de la région, une lenteur qui retarde beaucoup trop la prise de décisions, provoquent des problèmes qui s’enracinent et s’aggravent”, avertissant les analystes de Link Securities.

“Draghi pousse Rajoy vers des mesures de rigueur dures”, répondait vendredi le quotidien El Mundo.

“Son intervention jeudi a été un vrai coup de massue pour Rajoy et Monti. Le président de la BCE a dit justement ce que tous deux ne voulaient pas entendre: que leurs gouvernements doivent solliciter l’achat de dette par les fonds de secours européens sous une +stricte conditionnalité+”, soulignait le journal.

Pris en tenailles entre les pressions de ses partenaires et un mécontentement social grandissant, Mariano Rajoy sort de son silence vendredi pour une de ses très rares conférences de presse, hormis celles qu’il donne lors des visites d’hôtes étrangers.

Une absence qui lui a valu nombre de critiques: en juin, il avait ainsi laissé son ministre de l’Economie Luis de Guindos faire face au pays pour annoncer que l’Espagne allait demander une aide pour ses banques et nier, contre toute évidence, que celle-ci serait assortie de conditions macro-économiques.