ésident de la BCE, à Francfort le 2 août 2012 (Photo : Daniel Roland) |
[03/08/2012 14:45:39] FRANCFORT (Allemagne) (AFP) La Banque centrale européenne (BCE), qui depuis le début de la crise s’est démenée avec les moyens à sa disposition pour tenter de la contrer, a franchi un nouveau pas jeudi en laissant entrevoir des achats illimités de titres de dette des Etats.
La BCE “peut entreprendre des opérations sur le marché obligataire d’une taille adéquate pour atteindre son objectif”, a dit son président Mario Draghi, dans une tentative de convaincre que son institution ne laissera pas les taux d’emprunt de certains pays -l’Espagne et l’Italie en l’occurrence- continuer à atteindre des sommets et menacer leur financement.
Or jusqu’ici, la BCE avait toujours dit que ses achats d’obligations souveraines sur le marché secondaire, dans le cadre d’un programme adopté en mai 2010 et baptisé SMP, étaient limités en temps et en montant. Programme par ailleurs à l’arrêt depuis plus de quatre mois.
L’annonce de M. Draghi “constitue un sérieux progrès”, estime donc Holger Schmieding, économiste pour la banque Berenberg, notant que “cette fois la BCE a clairement dit qu’elle ferait ce qu’il faudrait pour atteindre son objectif” au lieu de se contenter d’achats par à-coups et de faibles montants.
“Globalement la BCE a fait un grand pas, prenant un engagement significatif”, juge également Jennifer McKeown, de Capital Economics.
ésident de la BCE, le 2 août 2012 à Francfort (Photo : Daniel Roland) |
Les marchés boursiers, après s’être effondrés la veille, déçus par l’absence d’annonce d’action immédiate, semblaient finalement considérer vendredi que la promesse était bonne à prendre. La plupart évoluaient en très nette hausse vendredi après-midi.
Les taux d’emprunt espagnols et italiens continuaient en revanche de se tendre bien qu’ils soient légèrement moins élevés qu’en début de semaine dernière.
La BCE a toutefois précisé qu’elle n’interviendrait que si les fonds de secours européens, le FESF, provisoire, et le MES, son futur successeur, le font aussi. Ce qui signifie que les Etats en difficulté devront d’abord quérir l’aide de leurs partenaires européens et se plier à un programme de réformes.
Une notion de conditionnalité qui fait tiquer Erik Nielsen de UniCredit, qui s’inquiète de l’attitude de la BCE si les Etats européens refusent leur aide au pays demandeur.
“S’en tiendra-t-elle à sa nouvelle doctrine, n’intervenant pas et acceptant un éventuel défaut de paiement d’un pays, ou risquera-t-elle sa crédibilité” en intervenant si nécessaire?, s’interroge-t-il.
Cette notion de conditionnalité, selon lui, constitue sans doute une concession accordée à la banque centrale allemande (Bundesbank) qui a manifesté publiquement et à de multiples reprises son opposition au programme SMP, qui constitue selon elle une manière détournée de financer les déficits publics, ce que les statuts de la BCE lui interdisent, et une menace pour la stabilité des prix.
Pourtant, dans un contexte où l’inflation ne se fait guère menaçante, l’opinion allemande semble évoluer, si l’on en croit le ton adopté par plusieurs journaux.
“En regard du drame (qui se joue en zone euro), on doit se dire que le modèle étroit de la Bundesbank ne suffit plus à la réalité actuelle de l’Europe”, jugeait le quotidien Süddeutsche Zeitung, estimant que Mario Draghi avait agi “comme l’euro-président que l’union monétaire n’a pas encore”.
Quant au journal économique Handelsblatt, il se faisait l’écho d’inquiétudes au sein de la Bundesbank sur le risque de se retrouver isolée si elle persiste dans son opposition et la crainte par conséquent de perdre toute influence.
D’autant que la chancelière Angela Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble ont eux montré leur soutien à M. Draghi dans sa volonté de “tout faire” pour sauver l’euro.
Malgré les dissensions et les disputes en son sein, au final, la BCE fera ce qu’il faut, comme toujours depuis 2007 et le déclenchement de la crise financière, suivie de la crise de la dette en zone euro, estime Holger Schmieding.
“Ils ont fait et continuent à faire absolument tout ce qu’ils peuvent dans les limites assez strictes qui leur sont imposées”, estime Gilles Moëc, de Deutsche Bank. Une référence au mandat unique de la BCE qui est de maintenir l’inflation “proche mais sous 2%” à moyen terme, alors que la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre à laquelle on la compare souvent ont davantage de liberté d’action, et notamment celle de faire marcher la planche à billets.
Quant à étendre le mandat de la BCE, “se serait ouvrir la boîte de Pandore” et cela risquerait inutilement de braquer les Allemands alors qu’elle peut faire aussi bien en “passant par les côtés”, selon M. Moëc.