L’Argentine sonne la fin du “corralito”, mais les plaies restent ouvertes

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à la Bourse de Buenos Aires, le 2 août 2012 (Photo : Juan Mabromata)

[03/08/2012 15:50:43] BUENOS AIRES (AFP) L’Argentine a remboursé vendredi les derniers porteurs de titres émis lors du gel des avoirs bancaires de la crise de 2001 et annoncé la fin officielle du “corralito”, mais pour des milliers d’Argentins le cauchemar d’avoir perdu ses avoirs n’est toujours pas fini.

“Nous avons fini de rembourser le +corralito+”, a annoncé la page web du ministère de l’Economie, alors qu’un compte à rebours affichait “0 jour, 0 heures, 0 minutes”. Ces derniers titres sont remboursés pour un total de de 2,19 milliards de dollars (1,78 milliard d’euros). 78% sont payés à l’étranger et 22% en Argentine, a précisé le ministère.

“Une période historique se referme”, avait déclaré jeudi soir la présidente argentine Cristina Kirchner lors d’un discours à la Bourse de Buenos Aires. “Ce que nous remboursons maintenant n’est rien d’autre que ce que les banques auraient dû rembourser aux citoyens”.

Mme Kirchner a d’ailleurs fait valoir que la dette en dollars de l’Argentine, qui “représentait 92% du PIB” en 2001, atteint “seulement 8,4% du PIB” aujourd’hui après ces derniers remboursements.

Pour le secrétaire de l’Association des personnes lésées par le défaut, Hugo Vazquez, toutefois, “la fin du corralito est un récit officiel”.

“Pour des milliers d’entre nous, il est loin d’être fini”, explique-t-il à l’AFP en référence à tous les procès encore en cours et aux nombreuses vies brisées.

Le “corralito” (“petit enclos” en espagnol) ou gel des avoirs bancaires, entré en vigueur le 3 décembre 2001, a été le déclencheur du plus important défaut de paiement de l’histoire, soit 100 milliards de dollars (75 milliards d’euros).

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ût 2012 à Buenos Aires (Photo : Alejandro Pagni)

C’est pour stopper les retraits – 22 milliards de dollars (18 milliards d’euros) en moins de trois mois – et empêcher la chute des banques que le ministre de l’Economie Domingo Cavallo avait ordonné le gel de tous les dépôts d’une valeur de près de 70 milliards de dollars.

“C’était une fuite en avant”, estime l’ancien ministre argentin de l’Economie Roberto Lavagna (2002-2005), dans un entretien avec l’AFP.

Pour le père du rétablissement argentin d’après crise, “au lieu de changer de politique économique, on prend alors une décision désespérée qui ne fait qu’aggraver la situation”.

Pour beaucoup alors, c’est le drame. “J’avais été licencié et j’avais placé mon indemnisation sur un compte en dollars à la Scotianbank”, raconte à l’AFP dans sa maison de Bernal (banlieue sud de Buenos Aires) Alberto Aran, 70 ans.

“Mon épouse avait une maladie rare et je n’ai pas pu retirer un seul cent de dollar pour payer ses traitements”, ajoute-t-il. “La Scotianbank a quitté l’Argentine sans rembourser ses clients et nous avons dû vendre une petite maison, au pire moment, à la moitié de sa valeur”.

Alberto Aran a depuis perdu sa femme et n’a jamais récupéré son épargne en dollars malgré un long procès. Il continue d’assister aux réunions de l’Association des personnes lésées, comme une sorte de thérapie.

Beaucoup ont récupéré leurs dépôts grâce à des décisions de justice. Mais des milliers d’autres se battent encore.

Norma Rodriguez, retraitée de 74 ans, se bat pour 4.106 dollars (3.371 euros) d’économies. “Certains ont accepté des pesos, d’autres des titres, moi ni l’un ni l’autre”, raconte-t-elle à l’AFP.

Pour compenser le préjudice du blocage des avoirs bancaires, le gouvernement argentin avait émis des titres pour 19,6 milliards de dollars (15,9 milliards d’euros), dont les derniers ont été remboursés vendredi.

“On donnait un titre à un épargnant, mais comme il avait besoin d’argent, il le revendait à une banque : s’il valait 100, on lui en donnait 60”, se souvient, dans ses bureaux du Congrès, le sénateur Eugenio “Nito” Artaza (radical, opposition) qui a pris la défense des épargnants.

Et il ajoute : “Aujourd’hui, alors que le gouvernement annonce la fin du +corralito+, ce même titre est payé 100 dollars, mais c’est la banque qui encaisse !”.