Qu’en est-il aujourd’hui de la Tunisie? Economiquement, politiquement et socialement? «Pour des raisons purement électoralistes, le gouvernement va commettre la plus grave méprise de son mandat, répond Sami Remadi, président de l’Association Transparence Financière. «L’engagement de 25.000 personnes dans la fonction publique va entraîner certainement une crise sans précédent», rappelant à ce propos les déclarations de Mohamed Abbou, ministre démissionnaire de la Réforme administrative: «…nous n’avons pas fait d’études, nous répondons à la demande de la révolution…».
D’ailleurs, comment justifier la démission de ce même Mohamed Abbou, lequel voulait quelques semaines auparavant entreprendre de profondes réformes de l’Administration touchant les nominations, la formation, les plans de carrière ainsi que l’organisation des filières de la fonction publique? Un ministre qui voulait procéder à la réévaluation des prestations rendues par les établissements publics et leur modernisation, un ministre qui déclarait «Le recrutement dans l’administration ne doit plus dépendre du pouvoir discrétionnaire du ministre pour éviter que le choix porté sur le futur commis de l’Etat ne dépende pas d’appartenances partisanes ou de sympathies personnelles».
En somme, une opération séduction qui n’obéit à aucune loi de rentabilité, d’efficience administrative ou de renforcement institutionnel. «Faute de promouvoir le partenariat public-privé pour désengager l’Etat, instaurer de nouvelles règles de gestion des ressources humaines, par incompétences ou ignorance, les responsables au pouvoir décident d’alourdir encore plus la machine administrative».
Sur un tout autre volet et sous prétexte que certaines compétences ont servi sous le régime Ben Ali, elles auraient été écartées pour être remplacées par d’autres, ce qui a fait dire au publiciste Sadek Belaïd «On est en train de “désinstitutionnaliser“ l’Etat». Cette “désinstitutionalisation“ aurait même atteint les milieux universitaires…Et ceci quoique dise Hamadi Jebali, Chef du Gouvernement qui assure que tous les nouveaux nommés le sont pas des critères de compétences. Ce n’est pas ce qu’en pensent certains administratifs dans nombre de ministères…
Comment, dans ce cas, espérer améliorer les performances administratives ou encore économiques?
Une position peu rassurante au national…
La situation économique du pays est difficile, estime pour sa part l’économiste chercheur, Mahmoud Ben Romdhane: «Une croissance économique atone, très insuffisante pour absorber la demande additionnelle d’emploi, des déséquilibres macro-financiers (endettement public et endettement extérieur allant en s’accroissant, des réserves en devises en baisse rapprochant le pays de la zone de turbulence financière), le tout sur fond de crise de l’état de la confiance. Le tout tient à une gestion économique, sociale et politique catastrophique: un budget populiste ajoutant des dépenses aux dépenses sans aucune recherche d’économie, un déficit insoutenable, une absence de projet pour sortir le pays de la crise, un démantèlement des institutions publiques sous l’effet de la volonté d’Ennahdha d’en prendre possession, une perte de crédibilité auprès de la communauté financière internationale, une incapacité flagrante à diriger le pays et à convaincre le peuple. L’image et la réalité sont celles de gouvernants incompétents et assoiffés par le pouvoir, peu attentifs aux problèmes graves de notre population. Faire pire est difficile», achève-t-il.
Les déclarations de Hassine Dimassi ont, rappelons-le, ébranlé le peu de confiance d’une population à l’attente d’une sortie de crise et ce malgré les propos rassurants des ministres du développement régional, de la coopération internationale et des investissements, lesquels estiment que les choses sont en train d’évoluer dans le bon sens. D’autant plus qu’à la fin du mois de mai 2012, tous les indicateurs relatifs à l’investissement direct étranger auraient retrouvé leur niveau d’avant 2011. Cela reste insuffisant car pour que se maintienne ce rythme, il faut que les investissements domestiques reprennent sérieusement. Ce n’est pas le cas à ce jour en l’absence du courage politique visant à traiter les dossiers cruciaux de la communauté d’affaires en entamant dans une première phase le processus de justice transactionnelle.
Quelle sortie de crise?
Pour rassurer les opérateurs privés, il va falloir, entre autres, résoudre les dossiers des hommes d’affaires impliqués dans un sens ou dans l’autre dans des dossiers de malversations, ceux interdits de voyage pour des raisons valables ou sur de simples présomptions infondées et pour terminer lever la menace de confiscation qui pèse telle une épée de Damoclès sur un grand nombre d’entre eux. Il va falloir que le ministre des Domaines de l’Etat calme son zèle vindicatif et revanchard et s’investisse plus dans la mise en place d’une stratégie visant la récupération des biens de l’Etat sans mener à la destruction du tissu économique et l’installation d’une ambiance de peur et d’angoisse dans les milieux d’affaires.
Mahmoud Ben Romdhane n’y va pas par quatre chemins: «il faut un autre gouvernement issu d’élections crédibles et transparentes. Ensuite, la restauration de l’Etat de droit, des institutions décentralisées et l’engagement d’un dialogue national. Ce sont là les conditions de base d’une reprise, qui doit être une reprise de l’état de la confiance».
A bon entendeur…