Après l’élection d’octobre 2011, il existe une attente élevée de la part de population à voir ses conditions de vie changer. Le gouvernement a la difficile tâche non seulement de gérer la transition – tel que le processus démocratique avec la préparation de la nouvelle Constitution et la transition gouvernementale– mais aussi de répondre aux immenses attentes de la population, dans un contexte économique rendu difficile par la crise européenne et l’impact des tensions politiques et sociales. Il sera important de répondre aux attentes de ceux qui se sont battus pour la révolution et qui s’impatientent de voir leurs conditions s’améliorer au plus vite.
Il ressort de l’analyse présentée dans le présent document que certaines des questions évoquées nécessiteront des solutions urgentes à court terme, tandis que d’autres nécessiteront une approche à plus long terme ou un changement structurel.
De nombreux problèmes de gouvernance devront être résolus rapidement, puisque cela permettra de donner à la population le signe de changement, de rétablissement de la confiance publique, et permettra au nouveau gouvernement de promouvoir une nouvelle culture, notamment dans l’administration et dans le milieu des affaires. Parallèlement, la démocratisation accroîtra l’obligation de révision de comptes du gouvernement et de l’administration. Ceci pourrait impliquer une reconsidération du rôle de l’Etat dans l’économie et l’établissement de règles claires et transparentes pour le milieu des affaires, ainsi qu’une responsabilisation accrue du système judiciaire et des autres contre-pouvoirs. S’agissant des questions sociales, il est essentiel et urgent de faire face au ressentiment social, en fournissant des services sociaux avec une plus grande redevabilité et un meilleur ciblage, et en étendant le rôle des collectivités locales.
A long terme, une stratégie de croissance inclusive pourrait être adoptée, prévoyant des investissements et services publics conçus pour compenser les effets de la concentration économique dans certaines régions, combinée avec une politique de décentralisation. Pour faire face à la hausse du chômage, tandis que la création de l’emploi à travers les investissements publics sera nécessaire à court terme, l’accroissement de l’efficacité du marché du travail et un système éducatif mieux orienté permettront de réduire le chômage, notamment chez les jeunes. Néanmoins, le chômage des jeunes est essentiellement imputable au manque d’adéquation entre l’offre de travail et la structure économique, qui ne peut être résolu sans traiter la question structurelle de la progression sur la chaîne des valeurs et briser le cycle d’économie duale par une meilleure intégration du secteur onshore à l’économie mondiale.
La révolution et le processus de démocratisation offrent à la Tunisie une opportunité unique de se défaire des goulots d’étranglement qui ont entravé son développement. Aujourd’hui plus que jamais, la société civile, qui a été à l’origine de ce changement politique, aura la responsabilité de prendre part au programme de développement du pays. Le secteur privé, qui a souvent souffert des problèmes de gouvernance du secteur public, jouera également un rôle clé dans l’amélioration de la compétitivité et de la croissance du pays. Tandis que les collectivités locales servaient de canaux du pouvoir centralisé sous l’ancien régime, elles devront désormais servir les populations locales et influencer la politique des pouvoirs publics en leurs faveurs.
Le terme « révolution » implique, par définition, un bouleversement des rôles, avec l’attribution de nouvelles tâches et de nouveaux objectifs pour chaque partie prenante. Tirer les leçons du passé et entreprendre une évaluation objective des politiques du passé sont également crucial pour avancer, tant pour le pays que pour la communauté internationale de développement.
La transition reste encore fragile, et le rôle de la communauté internationale, et particulièrement de la Banque africaine de développement, sera d’aider à rendre la transition tunisienne un succès, en la soutenant dans la recherche et la construction d’une nouvelle voie de développement, tant pour le pays que pour les autres pays arabes et en développement.
Source : BAD