Le CSP a été la marque de fabrique du modèle de société de l’Etat tunisien, né du mouvement pour l’indépendance. Egale de l’homme, elle avait une existence propre. Complément de son époux, elle n’aura plus qu’une fonction. Son instrumentalisation «ménagère» sonne le chant du cygne pour ses acquis. On nous prépare une implosion de notre modèle social, rien de moins. GARE!
Heureuse la tunisienne! Elle a son jour, une fois l’an. La société s’arrête en pleine frénésie estivale pour saluer sa cause. Le 8 mars, c’est d’une portée mondiale. La Tunisie de l’indépendance voulait conférer à l’évènement un trait d’exception, une intensité nationale, exclusive. Le pays a donc choisi la double célébration en rajoutant le 13 août. Le message du 13 août peut-il être effacé? Laisserons-nous faire?
Souveraineté nationale et émancipation de la femme
La question peut surprendre. Croyez-vous au génie national tunisien? Ses preuves sont bien tangibles et concrètes. Elles se sont révélées sitôt l’indépendance acquise. Le lendemain du 20 mars, le pays a déclaré la lutte contre le sous-développement. Et l’entrée en guerre fut déclarée le 13 août 1956, à peine l’administration nationale mise sur pied. Et l’acte de guerre était le Code du Statut Personnel. Le peuple ne pouvait concevoir sa souveraineté avec une Tunisienne aliénée. C’est ainsi que, pour faire court, on peut le résumer ainsi: la femme est reconnue l’égal de l’homme. Par le droit.
Les mentalités ont dans certains cas plié ou suivi. Mais au fil du temps, cette égalité a fini par prendre racine. Et même si elle a encore du terrain à gagner, l’important est de la poursuivre et de la renforcer que d’y renoncer. Menacer l’émancipation de la femme, c’est prendre le risque d’encourir la colère de la société dans son ensemble.
Cet acquis national qui a donné à la tunisianité sa physionomie d’exception peut-il disparaître? Pas de société libre sans tunisiennes libres. Et la liberté ici, s’entend dans son sens le plus étendu. Sans restriction. Aucune. La société tunisienne peut-elle accepter un contre-projet? Tout laisse croire que cette société ne se laissera pas faire. Sa combattivité et sa détermination ne laissent pas de place au doute. Jusqu’où iront les Tunisiens et les Tunisiennes dans l’opposition à un projet destiné à noyer l’émancipation de la femme?
Le slogan “Kinder, Küche, Kirche“, aux oubliettes!
De toutes parts fusent des cris de défi. Suffiront-ils à dissuader les auteurs du projet d’abolition de la liberté de la femme? Quelle forme de mobilisation cela peut prendre demain? Il faut commencer d’abord par matérialiser la portée de la proposition qui vise à faire de la femme “le complément de l’homme“. C’est d’une certaine façon le retour à cet odieux slogan des sociétés totalitaires dont le modèle le plus accompli et le plus abject a été l’exemple nazi et son tristissime crédo «Kinder, Küche, Kirche». En aliénant la femme à son rôle d’élément soumis aux nobles fonctions de garder les enfants, de veiller aux fourneaux et surtout la privant de voix au chapitre, on a eu droit à une société outrancière et belliciste. On a pu en mesurer les dégâts et les ravages.
Abolir la liberté de la femme c’est faire faire au pays machine arrière. Une société masculine est une société brutale tournée vers la guerre. Une société égalitaire est tournée vers le génie du progrès. L’abolition de la liberté de la femme n’est pas qu’une menace contre la Tunisienne. Cela signifiera également une perte d’individualité pour le Tunisien. Il ne sera plus l’homme, avec toute la grandeur de cet être. Il sera rapetissé à sa dimension de mâle. Ce projet représente le mal en soi. A bon entendeur.
Ranimons le souvenir de Radhia, Tawhida, Beya et les autres
Peut-on célébrer le 13 août sans un élan de mémoire pour celles qui ont donné à la Tunisie cette noble physionomie, car tout simplement à visage humain, qu’est la nôtre? Radhia Haddad, au tout début de l’indépendance, a pris pour mission d’aller sur terrain pour enseigner aux Tunisiennes de l’intérieur et du monde rural leur émancipation. Souvent elle se heurtait au refus des époux. Alors elle commençait toujours par ferrailler avec eux. Ces derniers, acquis à la grandeur du projet, craquaient. Acquis à l’idée, ils envoient chercher leurs épouses et les laissaient échanger avec cette militante dévouée.
Tawhida Ben Cheikh a brisé les tabous, forçant le champ clos des métiers réservés aux hommes dont la médecine. Cette gynécologue, pionnière et doyenne du monde arabe et du continent africain, avait à son actif un message de compétence unique. En quarante ans de métier, elle n’a jamais fait périr ni une maman ni un nouveau-né. Un record absolu.
Beya Zaiem qui, sans hésitation, a fait don de ses bijoux, dot paternelle si attachante, au profit du stock or nécessaire au lancement du dinar tunisien.
Ces figures emblématiques sont légion à l’heure actuelle. Au passage, on peut avoir une pensée amicale et de soutien à Khaoula Boussemma, animatrice du projet SIFE d’entrepreneuriat pour l’insertion sociale. Comment ne pas saluer Nejiba Hamrouni, présidente du SNJT, ne serait-ce que pour sa détermination et sa combattivité. On ne peut oublier Samia Abbou pour avoir affronté le crocodile dans l’émission «Crocodile».
A toutes, nous souhaitons bonne fête. Et bonne continuation du combat.