à Lisbonne (Photo : Patricia de Melo Moreira) |
[19/08/2012 07:47:06] LISBONNE (Portugal) (AFP) “Il ne nous reste plus que l’amour du cinéma pour tourner” : ce cri du coeur du réalisateur Joaquim Sapinho témoigne de la situation dramatique du cinéma d’auteur au Portugal, confronté à l’une des pires crises économiques de son histoire.
“La cinéma portugais a toujours vécu avec peu de moyens. Mais nous parvenions toujours à combiner quelques aides publiques avec notre amour du cinéma”, explique le réalisateur qui aimerait voir sortir en salle son dernier film “Deste lado da Ressureiçao” (De ce côté-ci de la Résurrection).
“Nous n’avons pas, pour l’instant, les moyens de financer les copies”, ajoute de son côté son producteur Pedro Duarte de la société Rosa Films.
Le cinéma portugais d’avant-garde est né dans les années 60, en pleine dictature salazariste, au sein d’une élite intellectuelle. Censuré par le pouvoir, il n’en a pas moins réussi à acquérir une renommée internationale.
Après la Révolution des Oeillets de 1974 qui instaure la démocratie, le septième art, soutenu par des fonds publics, connaît un nouveau souffle avec des cinéastes comme Pedro Costa, César Monteiro, Paulo Rocha ou encore Manoel de Oliveira qui, à 103 ans, continue de tourner.
Portés aujourd’hui par une nouvelle génération, les films lusitaniens se distinguent par une liberté de ton et une esthétique particulière.
La situation du cinéma, qui attire davantage de spectateurs à l’étranger qu’au Portugal, est devenue dramatique l’année dernière, lorsque le pays a été placé sous perfusion internationale en échange d’un programme drastique d’austérité.
Tous les ministères ont subi des coupes budgétaires sévères et celui de la Culture, relégué au rang de secrétariat d’Etat, n’a pas échappé à la règle. Le budget de la Direction générale des arts, chargé de soutenir les arts du spectacle, a été réduit de 38%, tandis que la TVA sur les billets de cinéma est passée de 6 à 13%.
“Notre cinéma est dans une situation d’asphyxie”, lance le réalisateur Joao Pedro Rodrigues joint au téléphone par l’AFP au festival de Locarno en Suisse, où il présente son film “La dernière fois où j’ai vu Macao”.
“Je n’ai aucun soutien de mon pays que je représente à ce festival”, observe le réalisateur de “Mourir comme un homme” et “O Fantasma”.
La situation est identique pour la majorité des cinéastes portugais qui se sont distingués pourtant ces dernières années dans plusieurs festivals, à l’instar de Miguel Gomes et Joao Salaviza primés en février à la Berlinale.
Depuis le début de l’année, les subventions de l’Institut du cinéma et de l’audiovisuel (ICA) se sont brusquement arrêtées en raison de la crise. De nombreux projets attendent toujours de recevoir les aides promises. D’autres sont tout simplement suspendus.
Le gouvernement de centre-droit a proposé une loi, approuvée en juillet, destinée à renflouer les caisses de l’ICA qui seront financées non seulement par la publicité à la télévision comme auparavant, mais également par de nouvelles taxes provenant d’autres opérateurs de contenus audiovisuels.
D’après le gouvernement, ces mesures permettront de multiplier par trois les fonds de cet organisme, à hauteur de 27 millions d’euros par an.
Alors que cette nouvelle loi est fortement contestée par les opérateurs qui refusent de nouvelles taxes, de nombreux réalisateurs craignent qu’elle soit retardée.
“Les premiers financements pourraient n’arriver qu’en 2014. Que se passera-t-il avec les productions de cette année et de 2013?”, s’interroge Joaquim Sapinho.
“Monteurs, techniciens,… pour survivre des tas de gens vont devoir changer de métier ou émigrer”, s’inquiète Pedro Duarte.
“Aujourd’hui, nous sommes contraints d’emprunter, de recourir à des amis ou à des coproductions pour terminer les projets en cours”, confie M. Sapinho.
“Malgré tout le cinéma portugais ne s’arrête pas, conclut optimiste Joao Pedro Rodrigues. Je suis réalisateur. Je continuerai de faire des films”.