A
chaque stade de l’évolution d’un pays, une manière particulière d’en décrypter
la réalité? En tout cas, cela semble bien être le cas, pour le Fonds monétaire
international (FMI), pour ce qui est de la Tunisie, puisque cette organisation
clame, dans son dernier rapport, qu’elle a adopté, lors de l’évaluation à
laquelle elle a procédé en début d’année, «un point de vue beaucoup plus
critique du système tunisien», et ce «pour diverses raisons».
Premièrement, parce que «le propre engagement des autorités tunisiennes à
réformer le secteur financier» s’est traduit par «un plus grand accès à
l’information» -donc meilleur- de l’équipe du
FMI qui «a été mieux à même
d’identifier les faiblesses».
Deuxièmement, les standards internationaux selon lesquels les pratiques de
supervision bancaire sont évaluées «ont été considérablement serrées, à la fois
dans le cadre de la révision du standard en 2006 et en réponse aux leçons
apprises de la crise financière globale en cours».
Troisièmement, la qualité de la capacité de supervision bancaire de la BCT s’est
détériorée de manière significative durant la période 2006-2011».
Enfin, ces faiblesses ont été aggravées par l’agitation de 2011 et «certaines
mesures prises par les nouvelles autorités à ce moment-là pour soutenir
l’économie pourraient avoir favorisé l’accumulation de faiblesses
supplémentaires».
En apparence, la position financière des banques tunisiennes ne s’est pas
dégradée malgré la récente instabilité politique et la faiblesse de l’économie
domestique. En effet, à la fin 2011, le taux de créances douteuses se situait à
13% -contre plus de 19% en 2006; les fonds propres réglementaires sont demeurés
presque inchangés à 11,5% d’actifs pondérés du risque, et la rentabilité des
banques est restée relativement élevée (le retour sur fonds propres moyen était
de 7,9%).
Mais, selon le FMI, les faiblesses du secteur bancaire vont probablement, pour
diverses raisons, se révéler plus importantes que démontré par les données
comptables.
D’abord, à la mi-2011, la BCT a publié une circulaire autorisant les banques à
rééchelonner les créances d’entreprises frappées par l’instabilité politique.
Or, en reclassant ces crédits rééchelonnés comme douteux on augmenterait de 5%
le taux de créances accrochées, calcule le
FMI. Mais ce qui dérange aussi le
«gendarme» de l’orthodoxie financière dans ce domaine c’est que les
insuffisances en matière de supervision bancaire –signalées plus haut- «sape la
qualité des données publiées, qui ne sont pas compilées conformément aux
meilleures pratiques internationales, contiennent des écarts significatifs et ne
sont pas, dans plusieurs cas, soumis à un audit interne».
C’est pour cette raison que la mission du FMI ayant rédigé le dernier rapport a
«fortement exhorté» les autorités à traiter «la faiblesse des données se
rapportant à la supervision», car il est «important de produire des indicateurs
fiables du secteur financier pour comprendre l’état présent du secteur
bancaire». Pour ce faire, le
FMI recommande, en guise de «premier pas», de
développer «une base de données uniforme et un modèle standard» pour permettre
«un monitoring des performances bancaires plus fréquent, détaillé et cohérent».