Les Etats-Unis freinent la réforme du FMI, au détriment des pays émergents

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étons passent devant le siège du Fonds monétaire international à Washington le 5 juin 2011 (Photo : Mandel Ngan)

[23/08/2012 06:38:39] WASHINGTON (AFP) Après avoir exhorté le FMI à se réformer, les Etats-Unis traînent aujourd’hui les pieds et bloquent, de fait, le processus qui doit aboutir à rééquilibrer l’institution de Washington au profit des pays émergents.

Premiers contributeurs du Fonds, les Etats-Unis sont aujourd’hui le seul pays du G8 à ne pas avoir ratifié les deux volets de la réforme qui permettrait au FMI de doubler ses ressources permanentes (à environ 767 milliards de dollars) et de renforcer le poids des émergents au sein de son conseil d’administration.

Parmi les pays du G20, seule l’Argentine, qui a un lourd passif avec le Fonds monétaire international, fait preuve d’une même frilosité.

Mais l’attentisme des Etats-Unis est bien plus crucial : sans l’apport de leurs 16,7% de droits de vote, la double réforme des quotes-parts et de la gouvernance, votée fin 2010, ne pourra tout simplement pas entrer en vigueur. Mobilisé par la crise en zone euro, le FMI espère encore, officiellement, que le processus arrivera à son terme comme prévu à la fin 2012.

“Mon objectif est d’arriver le plus près possible de la ligne d’arrivée”, avait déclaré fin juillet la patronne du Fonds, Christine Lagarde, tout en admettant que le FMI était “encore un peu court” sur le volet de la gouvernance.

Selon le dernier relevé lundi, cette partie de la réforme n’a été pour l’heure ratifiée que par 102 pays représentant 65,9% des droits de vote alors qu’un seuil de 85% est notamment requis afin que le Fonds se remanie pour refléter davantage la réalité économique.

Actuellement, la Chine, pourtant deuxième puissance du globe, détient 3,8% de droits de vote au sein du conseil d’administration, soit pas beaucoup plus que l’Italie (3,1%). Aux termes de la réforme, Pékin devrait en obtenir près du double (6,0%).

“Nous saluons les progrès réalisés jusqu’à présent (…) et nous exhortons les pays membres à accomplir rapidement les démarches nécessaires”, a précisé à l’AFP un porte-parole du Fonds.

Aujourd’hui à l’arrêt sur ce dossier, les Etats-Unis avaient été pourtant les premiers promoteurs de ce rééquilibrage lors du G20 de Séoul de 2010, en invoquant le “multilatéralisme” et en critiquant mezza voce la sur-représentation des Européens au sein du Fonds.

“Il y a une sorte d’ironie de voir que le pays qui a lancé cet ensemble de réformes est aujourd’hui celui qui, de facto, bloque son application”, explique à l’AFP Domenico Lombardi, un ex-membre du conseil d’administration du FMI.

Selon cet expert, Washington rechigne surtout à renforcer le poids de la Chine au sein du FMI en raison des “frictions croissantes”, notamment commerciales, entre les deux pays.

Mais selon plusieurs sources, la réticence de l’administration à soumettre la réforme du FMI au Congrès tient surtout à la campagne électorale – présidentielle et parlementaire – aux Etats-Unis.

“Une partie des élus américains nourrit une grande méfiance envers le FMI”, confie une source interne au FMI.

“Le FMI est de plus en plus en pleine lumière et le Congrès pourrait utiliser ce sujet à des fins purement intérieures”, assure à l’AFP Bessma Momani, professeur de sciences politiques à l’université de Waterloo (Canada).

Selon elle, la refonte du FMI pourrait même ne pas survivre à la présidentielle du 6 novembre en cas de victoire du candidat républicain Mitt Romney.

“Il y aurait alors une administration avec une attitude bien plus antagoniste vis-à-vis de ces organisations” internationales, affirme-t-elle.

Contacté par l’AFP, le Trésor américain n’a pas souhaité commenter la position du gouvernement américain. Un responsable de l’administration a toutefois assuré, sous couvert de l’anonymat, que les Etats-Unis réitéraient leur engagement à faire appliquer la réforme du FMI en 2012.