ésidence egyptienne du président Morsi et de la directrice du FMI Christine Lagarde le 22 août 2012 au Caire |
[24/08/2012 11:53:42] LE CAIRE (AFP) L’aide de près de 5 milliards de dollars demandée par l’Egypte au FMI apporterait un ballon d’oxygène précieux au pays, mais le président islamiste Mohamed Morsi devra aussi réaliser des réformes difficiles pour redresser une économie en crise, estiment des experts.
Le ralentissement économique qui a suivi la chute en février 2011 du président Hosni Moubarak s’ajoute aux difficultés héritées de l’ancien régime: subventions qui plombent le budget, corruption endémique, pauvreté –environ 40% de la population vit avec deux dollars ou moins par jour– entre autres.
La saignée des réserves de devises de la Banque centrale, passées depuis début 2011 de 36 milliards à 14,4 milliards de dollars, met en péril la capacité du pays à importer des produits essentiels comme les carburants ou le blé.
Le déficit budgétaire devrait quant à lui progresser de 12,5% pour l’année fiscale allant de juillet 2012 à juillet 2013, pour atteindre quelque 22,5 milliards de dollars, selon les projections du gouvernement.
Le secteur du tourisme, qui fait vivre directement ou indirectement 10% de la population, a repris des couleurs après avoir plongé l’an dernier, mais il n’a pas encore retrouvé ses niveaux d’antan.
Le soutien international “plus que nécessaire” pour l’Egypte “pourrait faiblir si les autorités se montrent incapables de répondre aux défis économiques”, prévient l’agence de notation Standard and Poor’s (SP) dans une synthèse.
SP a maintenu jeudi sa note “B” assortie d’une “perspective négative” pour l’Egypte, invoquant des risques de nouvelles “tensions politiques et sociales”.
Mais l’agence a également quelque peu adouci ses analyses précédentes, en annonçant que la note de l’Egypte n’était désormais plus “sous surveillance”, prenant acte notamment d’un apaisement entre M. Morsi et la hiérarchie militaire avec qui il était en rivalité, après la mise à l’écart du puissant chef des armées, le maréchal Hussein Tantaoui.
à la bourse du Cair, le 25 juin 2012 (Photo : Khaled Desouki) |
“Courage politique”
La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, à qui M. Morsi a formellement présenté mercredi au Caire une demande de prêt de 4,8 milliards de dollars, a exprimé la volonté du FMI “d’accompagner” l’Egypte sur la voie du redressement économique.
Mme Lagarde n’a toutefois pas voulu s’engager sur le montant et les modalités de l’aide, invoquant le caractère encore très préliminaire des négociations que Le Caire souhaite boucler avant la fin de l’année.
Elle a également souligné que le soutien financier allait de pair avec un programme de mesures que le gouvernement devra élaborer et mettre en oeuvre “avec détermination” et qui demanderont du “courage politique”.
Certains commentateurs doutent que le nouveau pouvoir utilise ce prêt pour améliorer durablement les conditions économiques de la population.
“Ce crédit est destiné à couvrir les dépenses courantes (salaires, importations de produits alimentaires…) pour permettre aux Frères musulmans d’aborder les prochaines élections en position confortable, avec une situation économique apaisée”, écrit Ibrahim Eissa, un éditorialiste en vue, dans le journal al-Tahrir.
Au final, “c’est le peuple égyptien qui va casquer” pour rembourser l’emprunt, s’indigne-t-il.
Pour Ahmad Galal, du Forum de recherche économique du Caire, l’Egypte aurait besoin de 10 milliards de dollars pour commencer à enrayer la crise, et devra donc “mobiliser d’autres ressources” en plus des 4,8 milliards qu’elle demande au FMI.
Mais l’effort passe aussi par de profondes réformes internes qui s’étaleront sur des années.
“Sur le court terme, il faut relancer l’activité et créer des emplois. A moyen terme, il faudra réformer le système éducatif, moderniser les infrastructures, s’attaquer au secteur informel”, entre autres, souligne-t-il.
Pour l’économiste Angus Blair, du Signet Institute, basé au Caire, la question des subventions aux produits de base –qui engloutissent 20% du budget de l’Etat pour les seuls carburants– figure en tête des réformes indispensables mais potentiellement impopulaires.
“Il faut résoudre la question des subventions pour faire en sorte qu’elle soient mieux ciblées”, affirme-t-il.