La lumière sera faite sur l’origine des fonds et leur usage. Une commission ad hoc procèdera à l’audit de la dette extérieure de la Tunisie, autant pour le secteur public que privé. Il s’agit de remonter à la source des pratiques d’endettement sous l’ancien régime. Le but est de voir l’affectation réelle des fonds et les éventuels détournements… Serions-nous sur la piste de la dette odieuse?
Une commission est en train d’être mise sur pied à l’effet de faire toute la lumière sur la dette extérieure de la Tunisie. Cet appel de transparence se réalisera donc par une vaste opération d’audit qui couvrira la période allant du 8 novembre 1987, soit le lendemain de l’installation de l’ancien régime, au 14 janvier 2011, date de son effondrement. Il s’agit de reconstituer dans les moindres détails la causalité des crédits, leurs conditions d’octroi, notamment les taux et commissions, et leur affectation.
Cette opération vérité nous fixerait définitivement sur les voies, les méthodes et les responsables des détournements. Des crédits en devises peuvent repartir dans des valises pour être placés dans des comptes à numéros dans les paradis fiscaux. Les sommes étant considérables, la part de détournement peut l’être tout autant.
Quelles suites à cette opération «coup de poing», réclamée, faut-il le rappeler, depuis longtemps déjà par la société civile?
Une commission sous forme de mirador
La Commission sera pilotée par l’ANC (Assemblée nationale constituante), qui serait d’ailleurs présidée par Jilani Doghmane, président de la Commission des finances à la Constituante. Il sera à son tour assisté par les ministres de l’Economie (bénéficiaire), des Finances (contractant) et de la Coopération internationale (commanditaire).
Le gouverneur de la BCT sera de la partie ainsi que le président de la Cour des comptes et le président du Conseil supérieur du contrôle administratif et financier.
Siègeront également le président de l’Instance nationale contre la corruption, six représentants de la société civile spécialisés dans l’audit et l’endettement public, de même que quatre experts-comptables, et enfin deux juristes (l’un pour la matière nationale et l’autre pour la partie internationale). Les institutions internationales auront droit à quatre sièges.
Toutes ces sensibilités réunies doivent pouvoir qualifier l’authenticité des documents et des études techniques présentés par les autorités de l’époque. Il s’agit de juger de la validité des demandes de crédits ainsi que de la solidité des arguments économiques et financiers utilisés.
En toute impartialité, la Commission étudiera les conditions d’octroi, c’est-à-dire les taux d’intérêts et les commissions et autres charges annexes, soit le service de la dette pour les comparer avec la réalité économique et financière de la période. On saura donc tout sur les fonds obtenus et leur allocation définitive.
L’identité des personnes qui ont mené les négociations et qui ont commandé aux affectations de ces ressources sera établie. On pourra de la sorte établir la responsabilité de chacun dans ce mécano de la prédation dirigée contre le pays et ses intérêts supérieurs.
Tous les contrats et conventions avec les institutions internationales
L’opération concerne les contrats et conventions passés avec les institutions internationales à l’exclusion de ceux contractés directement sur le marché. Ce qu’il faut savoir, c’est que les institutions internationales prêtent à découvert en faisant confiance aux Etats. La Banque mondiale ou la Banque africaine de développement acceptent de financer l’impasse de trésorerie d’un Etat en lui laissant la liberté de l’utilisation des fonds prêtés, au mieux de ses priorités. Cet usage est conforme au principe de la non-ingérence.
En revanche, les marchés sont très soucieux de la causalité des crédits levés par les Etats et ils exigent dans le détail l’affectation définitive des fonds. Les marchés, en effet, très pointilleux sur la solvabilité des Etats, s’assurent, avant de prêter, que les cash flow des projets qu’ils financent permettent le dénouement normal de leurs crédits.
La Tunisie avait contracté un premier souverain (Samourai) sur la Place de Tokyo. Il était destiné à financer l’enveloppe des subventions à allouer à la mise à niveau de son industrie. La maison de titres Nomura avait refusé de s’engager, arguant que la Tunisie était un pays touristique et non industriel. Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie de l’époque, Hamda Béji, s’était employé, durant tout le road show qui accompagne l’emprunt, de démontrer le bien-fondé de l’opération. Il expliquait que la Tunisie a rejoint l’OMC et a signé un Accord d’association avec l’UE.
A l’évidence, cela conduit le pays à ouvrir ses frontières. Son industrie se trouvera, par conséquent, exposée à la concurrence internationale; elle, qui a été protégée par l’administration dans le passé, nécessitait un soutien et un appui de mise à niveau.
Si donc besoin de vérité, il y a, c’est bien autour des contrats et conventions noués avec les institutions internationales. Quelle vérité cherche à établir la Commission de transparence?
Détecter la part de la dette touchée par la corruption
La Commission se donne pour objectif de remonter toutes les opérations sur toute la longueur de leur déroulement. La part de malveillance qui a accompagné ces opérations sera donc établie. Des crédits cédés en bloc peuvent être détournés, spoliant ainsi le peuple tunisien. On doit donc délimiter la part des détournements. En reconstituant les montants et les filières utilisées, la Tunisie doit pouvoir disposer d’une base juridique pour réclamer les fonds détournés auprès des pays et des enseignes financière qui les ont accueillis.
L’autre possibilité est que la société civile relaie la question et mobilise l’opinion internationale en vue de son annulation, pure et simple.
A suivre!