Tournant le dos aux promesses qui les ont portés au pouvoir, les partis islamistes s’attaquent aux droits des femmes, aux médias, à la création, aux libertés et veulent imposer par la force de la loi une vision archaïque et rétrograde de la société. Que ce soit en Tunisie, en Égypte ou au Maroc, les attaques contre les libertés, les droits des femmes, l’art et la culture, les médias sont devenues monnaie courante. Graduellement, par petites touches ou de manière frontale, l’ordre islamiste est bel et bien en marche.
En Tunisie, d’où est parti le mouvement de protestation qui s’est propagé dans tout le monde arabe, les démonstrations de force salafistes avec menaces et agressions physiques contre les femmes, les artistes, les militants des droits de l’homme et les démocrates se multiplient avec en toile de fond des saccages d’expositions artistiques, l’interdiction par la violence de manifestations musicales, le tout sous l’œil complice du gouvernement islamo-libéral dirigé par Ennahdha. Ce dernier, loin de condamner ces violences, n’a rien trouvé de mieux qu’une proposition de loi condamnant «les atteintes au sacré», juste avant d’essayer, au moyen d’un amendement au projet de constitution, de brider les droits des femmes, celles-ci n’étant plus les égales des hommes mais leurs «complémentaires» au sein de la famille! Les médias ne sont pas épargnés. Après avoir imposé ses hommes à la tête des médias publics, limogé le directeur de la radio nationale en avril, puis le patron de la télévision publique Al Wataniya en juin, le gouvernement a suspendu une émission satirique de la chaîne Ettounsiya créée en mars 2011, avant de placer en détention, vendredi, le directeur de la chaîne, Sami Fehri.
Inquiet de cette offensive relayée par une campagne de prêches dans plusieurs mosquées du pays, le président Moncef Marzouki est sorti de son silence vendredi, accusant à son tour ses «frères» d’Ennahdha de s’employer «à contrôler les rouages et politiques de l’État», des «pratiques» rappelant «l’ère révolue du président déchu»!
Journalistes poursuivis
En Égypte, moins de trois mois après son élection, le président Morsi n’a pas perdu de temps. Après avoir mis au pas les militaires, le chef de l’État égyptien veut museler les médias jugés hostiles aux islamistes. Des journalistes sont poursuivis en justice et interdits de quitter le territoire. Dans le même registre, la chaîne de télévision El-Pharaïn a été suspendue pour un mois. Comme en Tunisie, en signe de protestation, plusieurs titres de presse ont publié des encarts blancs en lieu et place des éditoriaux. Et, sans doute inspirés par leurs petits cousins d’Aqmi au Mali, les salafistes égyptiens proposent de détruire les pyramides?!
Intolérance
Même le Maroc n’échappe pas à cette offensive d’intolérance politico-religieuse. Ainsi en est-il de l’interdiction de diffusion des magazines étrangers «portant atteinte à l’islam». Et si la publicité pour les jeux de hasard a été proscrite, les chaînes de télévision publiques sont désormais contraintes de diffuser les cinq appels quotidiens à la prière et d’accorder une plus grande place aux programmes en langue arabe. Mieux, le gouvernement du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) veut promouvoir un «art propre», assainir un tourisme source, selon lui, de tous «les péchés». Quant aux protestataires du Mouvement des jeunes du 20 février, plusieurs dizaines d’entre eux sont en instance de jugement pour participation à une «manifestation non autorisée». En Libye, où la charia est entrée en vigueur, autorisant la pratique de la polygamie, le pire est à craindre dans un pays où l’État peine à s’imposer aux groupes armés tribalo-islamistes qui font régner leurs propres lois dans les régions. L’Algérie, où les manifestations d’intolérance se multiplient (voir l’Humanité du 1er août), n’est pas en reste.
————————-
Source L’Humanité